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gré accuse ta faiblesse, et toi seul ne veux pas en convenir !

Passons sur les maux qui sont le partage de l’humanité ; mais ces menaces, ces châtiments, ces tortures, ces croix qu’il ne s’agit pas d’adorer mais de souffrir, ces feux que vous vous plaisez d’annoncer et que vous redoutez, votre Dieu saura-t-il vous en préserver ? Où est-il ce Dieu qui vient au secours des morts et qui ne peut secourir les vivants ? Les Romains sans son aide ne commandent-ils pas ? ne règnent-ils point ? ne sont-ils pas les maîtres du monde entier et de vous-mêmes ? Toujours inquiets, craintifs, vous vous interdisez les plaisirs les plus honnêtes ; vous n’assistez point à nos spectacles ; vous fuyez nos fêtes ; jamais on ne vous rencontre dans nos repas publics. Nos combats sacrés, les mets offerts sur nos autels, le vin versé en libation, tout cela vous fait horreur. Vous ne croyez pas à nos dieux et vous en avez peur ; vous ne couronnez pas vos têtes de fleurs, vous ne répandez pas d’essences sur vos corps ; vous réservez les parfums pour les funérailles ; vous vous faites scrupule de déposer des couronnes sur les tombeaux. Pâles, tremblants, dignes de pitié, et surtout de la commisération de nos dieux, que vous êtes à plaindre ! Infortunés, qui ne ressuscitez point, et qui, en attendant, ne vivez pas ! S’il vous reste du bon sens, de la pudeur, cessez d’interroger la marche des cieux, de vouloir deviner les secrets de la nature, les destinées du monde. Contentez-vous de regarder à vos pieds, n’est-ce pas assez pour des êtres grossiers, ignorants, barbares ; il ne vous a pas été donné de connaître les ressorts secrets des affaires humaines, à plus forte raison vous est-il refusé de discourir sur les choses divines.

XIII. Du moins prenez modèle sur Socrate, si la manie de philosopher vous possède, et s’il se trouve parmi vous quelques esprits assez élevés pour oser suivre le premier des sages. On sait la réponse qu’il fit quand on l’interrogeait sur les corps célestes : « Ce qui est au-dessus de nous, disait-il, ne nous regarde pas. » Aussi est-ce à bon droit qu’il a mérité d’être proclamé par l’oracle le plus sage des hommes ; mais il comprenait le sens de l’oracle, il sentait que si on le plaçait