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Mais quand j’accorderais qu’ils sont justes, l’opinion la plus commune, c’est que le crime comme l’innocence doit être imputée au destin. Tel est aussi votre sentiment ; car, si les autres rapportent au destin tout ce que nous faisons, vous, vous le rapportez à votre Dieu ; n’est-ce pas la même chose ? Vous dites qu’on n’est point de votre secte seulement pour le vouloir, mais aussi par le choix de votre Dieu ; vous en faites donc un juge inique, qui punit dans l’homme l’ouvrage du destin et non celui de la volonté. Je voudrais maintenant savoir de vous comment se fera votre prétendue résurrection ; sera-ce avec des corps ? et lesquels ? est-ce avec les mêmes ou avec de nouveaux ? ou bien sans corps ? Mais sans corps, si je ne me trompe, il n’y a plus ni âme, ni sentiment, ni vie. Avec le même corps ? mais il n’existe plus, il est depuis longtemps détruit. Avec un autre ? il naîtra donc un nouvel homme ? ce n’est plus le premier qui se relève de ses ruines. Tant de générations ont passé ! depuis un si grand nombre de siècles écoulés jusqu’à nous, est-il revenu un seul homme du tombeau, du moins comme Protésilas seulement avec un congé de quelques heures pour servir de preuve ? Ce sont là les rêves d’un cerveau malade, les consolations chimériques offertes par une poésie mensongère avec le charme des vers où se joue l’imagination ; et votre crédulité n’a pas rougi d’en faire honneur à votre Dieu.

XII. L’expérience du présent ne suffit-elle pas pour vous détromper de l’illusion de ces belles promesses et de la frivolité de pareilles espérances ? Malheureux ! apprenez par ce que vous souffrez dans la vie ce que vous avez à attendre après la mort. Vous le voyez, la plupart d’entre vous, et de votre aveu les plus vertueux, sont dans la misère, souffrent de la faim, du froid, des rigueurs d’un pénible travail, et votre Dieu le permet ou feint de ne pas s’en appercevoir : il ne veut donc pas ou il ne peut pas secourir les siens ; dès lors il est impuissant ou injuste. Toi qui rêves une immortalité posthume, en l’attendant tu es pressé par les dangers, brûlé par la fièvre, déchiré par la douleur. Et tu ne sens pas encore ta misère ? et tu ne reconnais pas ton néant ? malheureux ! tout contre ton