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s’élèvent ; ou elles descendent, et alors la pluie tombe, le vent siffle, la grêle se précipite. Le choc des nues fait gronder le tonnerre, briller l’éclair, jaillir la fondre. Ces feux si redoutés tombent au hasard et sans choix sur les montagnes, sur les arbres, sur les lieux sacrés et profanes ; ils frappent l’homme pieux comme le scélérat. Que dirai-je de ces tempêtes inconstantes, soudaines, qui dans leur cours impétueux ne respectent aucun ordre de choses, et détruisent tout sans distinction ? De ces naufrages qui confondent la destinée des bons et des méchants sans considération des mérites ? De ces incendies qui n’épargnent pas plus la vie du juste que celle du pervers ? De ces pestes qui corrompent l’air du ciel, et promènent la mort sur toutes les têtes ? Des fureurs de la guerre, où les plus braves succombent les premiers ? Dans la paix, le vice marche de pair avec la vertu ; que dis-je, c’est lui qui est en honneur, de sorte qu’à l’égard de plusieurs, vous ne savez pas s’il vaut mieux détester leurs crimes qu’envier leur prospérité.

Si une Providence gouvernait le monde, ou si quelque divinité commandait avec empire, verrait-on jamais un Denys Phalaris sur le trône, un Rutilius, un Camille dans l’exil, un Socrate condamné à boire la ciguë ? Voilà les arbres chargés de fruits mûrs ; voilà la moisson qui jaunit ; déjà le raisin se colore sur la vigne ; et tout à coup surviennent des pluies, des grêles qui gâtent et détruisent tout. Ou la vérité se dérobe sous des nuages épais qui ne laissent percer que des lueurs incertaines, ou plutôt tout est le jouet d’un aveugle destin. Le hasard commande partout sans autres lois que ses caprices. Puisqu’on ne trouve qu’incertitude dans la nature, ou rien de certain que l’empire de la fortune, tout ce que nous pouvons faire de mieux et de plus honorable, c’est de nous en tenir aux leçons de nos pères comme aux plus sûrs garants de la vérité, c’est de suivre la religion établie, c’est d’adorer les dieux que nous avons appris à craindre avant même de les connaître ; c’est de ne pas nous ériger en juges de ces dieux, mais de nous en rapporter à nos ancêtres, qui, dans un siècle encore simple et voisin de l’enfance du monde, méritèrent d’avoir