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et même son âme, ne peut être mon disciple ; » que les paroles, dis-je, de ces deux passages ne vous troublent point. Le Dieu de paix ne nous ordonne point de haïr ceux qui nous sont les plus chers, lui qui nous fait un devoir d’aimer nos ennemis mêmes. Si nous devons aimer nos ennemis, à plus forte raison nos parents ; si nous devons haïr nos parents, à plus forte raison nos ennemis. Mais ces maximes, qui semblent se détruire entre elles, ne sont pas même opposées. Toutes les deux prennent leur source dans le même principe. Ne vous vengez pas de votre ennemi ; n’aimez pas votre père plus que le Christ. Le premier de ces commandements nous défend la haine et la volonté de faire le mal ; le second nous défend, envers nos parents, un trop grand amour qui serait nuisible à notre salut. Si donc quelqu’un a un père, un fils, ou un frère infidèle qui lui soit un empêchement pour conserver la foi et acquérir le ciel, qu’il s’en éloigne, qu’il rompe tout commerce avec lui, qu’il remplace une amitié charnelle par une inimitié spirituelle.

Je suppose que le procès de cette séparation s’ouvre et s’instruit devant vous. D’un côté, le père se lève et dit : « C’est moi qui t’ai engendré et nourri, suis-moi donc, conduis-toi comme moi d’une manière impie ; n’obéis point à la loi du Christ, » ou tout autre blasphème semblable qu’un homme corrompu peut proférer. D’un autre côté, écoutez le Sauveur répondre : « Je t’ai régénéré en te sauvant de la mort, à laquelle ta naissance t’avait condamné. Je t’ai délivré, je t’ai guéri, je t’ai racheté. Je te montrerai le visage de Dieu, qui est ton père. N’appelle point un homme ton père ; laisse les morts ensevelir les morts. Suis-moi, et je te conduirai dans ce sublime repos des biens cachés, dont personne ne peut exprimer la magnificence, qu’aucun œil n’a vus, qu’aucune oreille n’a entendus, où la pensée de l’homme ne peut atteindre, secrets mystères que les anges eux-mêmes désirent pénétrer, impatients de connaître et de voir les récompenses que Dieu prépare à ceux de ses enfants qui l’aiment. Je suis moi-même le pain dont je te nourrirai ; celui qui mange de ce pain ne meurt point. Je te verserai chaque jour un breu-