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ment il pouvait être riche et pauvre tout ensemble ; avoir de l’argent et n’en point avoir ; user des biens du siècle et n’en pas user. Il se retira triste et déconcerté, abandonnant la vie qu’il avait bien pu désirer, mais qu’il ne put acquérir, et se rendant impossible ce qui ne lui était que difficile. Sans doute, il est difficile de ne pas se laisser circonvenir et entraîner au mal par les charmes et les prestiges dont la possession de grands biens nous environne de toutes parts et nous enveloppe comme d’un réseau. Cependant, il n’est pas impossible que leur possesseur se sauve, si, se détachant de ces faux biens, il se tourne vers les véritables, que Dieu lui apprend à connaître, et s’il fait servir sa richesse temporelle à l’acquisition de l’éternelle richesse. Les disciples eux-mêmes, en entendant ces paroles, furent saisis d’étonnement et de frayeur. Pourquoi ? est-ce qu’ils possédaient de grands biens ? Ils avaient abandonné depuis longtemps quelques filets, quelques lignes, quelques méchantes barques qui composaient toutes leurs richesses. Pourquoi donc disent-ils avec crainte : « Quel homme peut être sauvé ? » C’est que, disciples fidèles et attentifs, ils avaient parfaitement compris le sens caché des paroles de leur maître, et en avaient pénétré la profondeur et l’étendue. Assurés de s’être dépouillés volontairement de tout ce qu’ils possédaient des biens de la terre, et fondant sur ce sacrifice l’espérance de leur salut, ils ne l’étaient pas également de s’être entièrement dépouillés de leurs passions et de leurs vices (car ils étaient depuis peu au nombre des disciples du Christ, et admis dans sa familiarité) ; aussi étaient-ils effrayés au plus haut degré ; et comme ce riche, assez follement attaché à ses biens pour les préférer à la vie éternelle, ils désespéraient eux-mêmes de leur salut. Il leur paraissait digne d’une grande crainte que la richesse des vices fût assimilée à celle de l’argent, et ils craignaient d’être exclus du royaume des cieux, où Dieu ne reçoit que les âmes chastes et pures.

Le Seigneur répondit à leurs craintes : « Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu. » Ces paroles sont à leur tour pleines d’une sagesse profonde. Aucun homme, en