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dront. Ces biens que nous possédons et qu’on nous ordonne de vendre, ce sont nos passions, les troubles et les inquiétudes fatales du monde.

Une autre réflexion encore qui le prouve mieux. Il est des choses hors de notre âme ; il en est d’autres qui sont en elle. Les choses qui sont hors de notre âme paraissent bonnes ou mauvaises, suivant l’usage que nous en faisons. Faut-il donc, je le demande, pour obéir au Seigneur, renoncer à des richesses qui n’emportent pas avec elles les troubles intérieurs de notre âme, ou n’est-ce pas plutôt ces troubles, dont la destruction sanctifie les richesses mêmes, qu’il faut étouffer et détruire ? Que sert au riche orgueilleux qui, sans se dépouiller de ses passions, se dépouille de ses richesses, que lui sert, dis-je, ce vain sacrifice ? Devenu pauvre des biens de la terre, resté riche de penchants honteux et de criminels appétits, il n’a plus, il est vrai, de quoi satisfaire ses passions ; mais ses passions vivent toujours dans son âme, et, par une puissance maligne qui leur est propre, elles s’y nourrissent et la dévorent. Il garde ce qu’il devrait rejeter, il rejette ce dont il aurait pu faire un bon usage. Il se prive volontairement des secours que la richesse eût pu lui donner, et il rallume ses vices et ses passions au feu du besoin. Renoncez donc aux possessions nuisibles, conservez celles de qui l’usage pieux et modéré peut vous être utile. Songez que ce qui est hors de vous ne peut, sans vous, vous faire aucun mal. Jouissez des biens que le Seigneur vous donne, et dont lui-même vous indique l’usage ; rejetez vos vices et vos passions, qui corrompent ces biens et vous en font faire un emploi criminel ; vous obéirez ainsi au Seigneur.

C’est, en effet, la multitude de nos vices qui nous est mortelle ; c’est leur destruction qui nous est salutaire. C’est du vice qu’il faut appauvrir et dépouiller notre âme afin d’entendre ces paroles consolantes du Sauveur : « Venez, suivez-moi. » La voix du salut s’ouvre à la pureté du cœur ; elle se ferme à son impureté. Cette impureté n’est point dans vos richesses, elle est tout entière dans vos profanes amours, dans la flamme inex-