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séduire et de les déshonorer. Non-seulement il leur est défendu de montrer même le bout du pied, il faut encore qu’elles aient la tête voilée quand elles paraissent en public ; car il leur est vraiment honteux que leur beauté serve de piége à la faiblesse des hommes, ou de se servir d’un voile de pourpre pour mieux attirer leurs regards. Plut à Dieu même que je pusse leur interdire entièrement tout usage de cette couleur, et éloigner ainsi d’elles les yeux et l’attention de tous ! Ces femmes, qui dédaignent de faire leurs autres habits, se plaisent à travailler la pourpre, qui enflamme leurs passions ; elles vivent et meurent au milieu de cette éclatante et vaine couleur. Les rivages qui nous l’envoient, Tyr, Sidon, et tout le pays voisin des mers de Lacédémone, sont un objet de désir et d’envie ; les ouvriers qui la préparent et en colorent les étoffes sont estimés au-dessus de tous les autres, et on regarde comme hors de prix cette espèce de coquillage dont le sang la produit.

Ce n’est pas encore passez pour ces femmes artificieuses et ces hommes efféminés de teindre leurs vêtements de mille couleurs empruntées ; emportés hors de toute borne par un fol amour de se distinguer, leur effronterie ne s’arrête plus ; dédaignant les toiles de l’Égypte, ils en demandent d’une autre espèce à la Cilicie et à la Judée. Rien ne suffit à leur caprice, et les noms mêmes qu’ils ont donnés à leurs habits sont encore plus innombrables que leurs formes et leurs couleurs. Quelle folie plus honteuse ! puisque le Dieu est plus précieux que le temple, et l’âme que le corps, assurément le corps doit l’être plus que le vêtement qui le couvre. Mais ces insensés renversent cet ordre ; car, si l’on vendait leur personne, on n’en trouverait jamais mille drachmes attiques, et eux-mêmes donnent mille talents d’une seule partie de leur habillement, avouant ainsi aux yeux de tous qu’ils valent moins que l’habit qu’ils portent. Pourquoi donc préfèrent-ils ces étoffes rares et précieuses à celles qui sont communes ? C’est parce qu’ils ignorent le vrai bien et la véritable beauté, et qu’ils abandonnent la réalité pour l’apparence ; semblables aux insensés, aux yeux desquels les objets blancs paraissent noirs.