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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

Les sentiments d’Aristippe de Cyrène, philosophe à la vie molle et licencieuse, ne me sont point inconnus. Voici le sophisme qu’il proposait : Le cheval et le chien qu’on oint de parfums ne perdent point leur vigueur, l’homme donc ne doit point la perdre. Mais l’usage puéril des parfums ne serait point aussi blâmable dans ces animaux, privés de raison, que dans l’homme qui en est doué.

Il existe de nos jours une infinité de parfums dont la nature et les noms diffèrent : végétal, minéral, royal ; celui qu’on extrait de la cire, celui que donne un arbrisseau d’Égypte. Le poëte Simonide n’a point honte de dire dans ses Iambes qu’il employait ces parfums à un usage impudique. Parmi ces parfums, les plus estimés sont celui de Cypre et le nard. Viennent ensuite les essences de lys et de rose et mille autres dont les femmes se servent, soit en pâte, soit secs, soit liquides ; elles s’arrosent et s’inondent de ceux-ci, elles respirent l’odeur de ceux-là. Chaque jour même on en invente de nouveaux, afin de satisfaire et rassasier cet insatiable désir qu’elles ont de paraître belles. Elles en arrosent leurs vêtements, leurs meubles et leurs lits ; elles les brûlent dans l’intérieur de leurs appartements. Il n’est point enfin jusqu’aux vases destinés aux plus vils besoins qu’elles ne forcent à en répandre les voluptueuses odeurs. Ceux donc qui, ne pouvant souffrir cet amour outré des parfums, bannissent des villes bien policées, comme efféminant les hommes mêmes, non-seulement les artisans qui les composent et qui les vendent, mais ceux encore dont le métier est de répandre des couleurs fleuries sur la blancheur des laines, me paraissent avoir bien jugé des dangers de ce luxe impur. C’est un crime, en effet, que d’introduire des habits et des parfums trompeurs dans la ville de la vérité. Parmi les Chrétiens, l’homme doit respirer la probité ; la femme, respirer le Christ, qui est l’onction royale, et non la vaine odeur des parfums terrestres. Que l’odeur divine qui s’exhale de la chasteté soit l’unique parfum dont la femme se pare ; ce parfum l’embellira et la remplira d’une joie spirituelle. Tel est celui que le Christ prépare à ceux qui sont siens, qu’il compose des aromates cé-