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que chose de ridicule dans les mœurs de celui qui se plaît à prononcer de ridicules paroles. C’est ici le cas d’appliquer ce passage de l’Évangile : « Tout arbre bon produit de bons fruits ; et tout arbre mauvais, de mauvais fruits. » Le discours est le fruit de la pensée. Or, si ceux qui excitent le rire doivent être bannis de notre république, il ne peut sans doute nous être permis de l’exciter nous-mêmes ; car il serait absurde que nous imitassions ceux qu’il nous est défendu d’écouter. Mais le comble de l’absurdité serait de nous étudier à paraître ridicules ; c’est-à-dire d’attirer sur nous, de gaieté de cœur, la honte et le mépris. Si personne ne veut travestir son corps comme on le fait sur le théâtre, voudrons-nous travestir notre âme, et cela ouvertement et publiquement ? Ne prenons donc pas un masque ridicule, et surtout gardons-nous bien de vouloir, dans nos discours, être ou paraître ridicules, nous faisant ainsi un jouet de la parole et de la raison, les plus précieuses qualités de l’homme. Ce jeu est méprisable au plus haut degré, puisque ceux qui s’y exercent ne méritent pas même d’être écoutés. D’ailleurs ces discours impertinents ont coutume de conduire à des actions honteuses.

Il faut parler d’une manière polie et agréable ; et loin de chercher à exciter le rire, il faut avoir soin d’en comprimer les éclats. La pudeur et l’honnêteté brillent dans un rire modeste, l’intempérance éclate dans un rire bruyant. N’ôtons rien aux hommes de ce qui leur est naturel, mais réglons-en l’usage sur le temps et les circonstances. Faut-il que l’homme rie toujours parce qu’il est doué de la faculté de rire ? Non sans doute ; car le cheval, qui est doué de celle de hennir, ne hennit pas toujours. L’homme étant un animal raisonnable, il faut qu’il montre en tout une sage mesure, et que ni sa sévérité ni sa joie ne soient excessives. Ce doux relâchement des fibres du visage qui se fait comme par l’harmonie de quelque instrument est appelé d’un mot grec qui signifie sourire. Si le visage des hommes modestes s’épanouit davantage, c’est rire. Les éclats de rire qui défigurent le visage reçoivent un nom différent, quand ce sont des femmes ou des hommes qui les poussent. Le nom que l’on donne au