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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

Il demande à boire à la samaritaine qui puisait de l’eau dans un puits avec un vase de terre, ne demandant point un vase précieux, et nous montrant qu’il est aisé de se désaltérer. C’est que son but était d’établir l’usage utile de chaque chose, et non une excessive et vaine magnificence. Il mangeait et buvait dans les festins, mais il n’avait garde de creuser la terre pour y chercher de l’argent et de l’or, et se pouvoir servir de ces vases prétendus précieux qui exhalent toujours la rouille et l’odeur du métal dont ils sont formés.

La nourriture, les vêtements, les meubles, en un mot, la vie tout entière du Chrétien, se doivent accorder avec la sainteté de sa foi. Il faut que ses actions soient utilement réglées d’après la personne, l’âge, l’état et le lieu. Puisque nous sommes tous les ministres du même Dieu, il faut que nos biens et nos meubles portent le même caractère d’une vie honnête et frugale, et que chacun de nous en particulier fasse connaître, par une conduite uniforme et réglée, la sincérité d’un même amour et d’une même foi. Les choses qu’on acquiert sans difficulté, on s’en sert de même ; on les loue, on les garde, on les prête avec facilité. Les plus utiles sont les meilleures ; les plus communes valent mieux que les plus rares. En un mot, les richesses mal administrées sont comme une citadelle de crimes et de vices dont les possesseurs ne peuvent entrer dans le royaume des cieux ; malades qu’ils sont de l’incurable maladie du monde, et vivant au milieu de délices qui les enflent d’un fol orgueil. Ceux qui s’efforcent de faire leur salut doivent bien se persuader que l’usage se réduit à l’utile, et qu’il n’y a d’utile que ce qui est absolument nécessaire. C’est une chose bien vaine, que cette insatiable fureur d’amasser et de garder pour son seul usage tant de possessions précieuses. Amasser sans cesse, et ne faire part à personne de ce que l’on possède, c’est mettre le grain dans un tonneau percé, c’est se causer mille maux, c’est se ruiner et se perdre. Rien n’est plus digne surtout de ridicule et de mépris que de satisfaire les nécessités honteuses de la nature dans des vases d’or et d’argent, comme ces femmes riches et fières que leur sot orgueil accompagne