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plaisant envers les conviés, doux et commode envers les domestiques, agréable à ses amis ; mais si on le choque, il repousse aussitôt l’injure par l’injure.

Comme le vin est naturellement chaud et plein d’un suc agréable, pris modérément, sa chaleur dissout les excréments grossiers, et sa bonne odeur corrige les humeurs acres et malignes. Aussi l’Écriture sainte dit-elle avec raison : « Le vin a été créé dès le commencement pour réjouir l’âme et le cœur ; mais il est bon de le mêler avec beaucoup d’eau, afin d’éviter la folie et l’imbécillité de l’ivresse. » L’eau et le vin étant deux ouvrages de Dieu, leur mélange est utile à la santé, parce que la vie consiste dans ce qui est nécessaire et ce qui est utile. Il faut donc mêler à ce qui est nécessaire un peu de ce qui est utile ; c’est-à-dire un peu de vin à beaucoup d’eau. L’excès du vin épaissit la langue, agite les lèvres, tourne et détourne les regards ; les yeux, humides, nagent dans leur orbite comme dans une fontaine ; tout tourne autour d’eux ; ils ne peuvent plus ni compter ni distinguer nettement les objets même les plus proches. Il me semble voir deux soleils, disait le vieillard thébain ivre. C’est que l’œil, agité par la chaleur du vin, multiplie pour lui le même objet en le saisissant plusieurs fois. Il importe peu que ce soit l’œil ou l’objet qui remue, l’effet est le même. C’est l’agitation qui ôte à l’œil la faculté de distinguer. Le pied tremble et fléchit sous le corps comme s’il marchait sur les vagues ; enfin les nausées et les vomissements achèvent et couronnent ces tristes plaisirs.

Le poëte tragique l’a dit : l’homme ivre est vaincu par la colère et abandonné par la sagesse ; ses discours, pleins de folie, font plus tard le sujet de sa honte et de ses regrets. Le sage aussi avait dit avant le poëte : « Le vin bu avec excès amène la colère, et l’emportement, et la ruine. » C’est pourquoi plusieurs pensent qu’il faut se relâcher un peu dans le festin, et remettre au lendemain les choses sérieuses. Mais moi je pense, au contraire, que la raison surtout y doit présider, afin de nous retenir si nous nous laissions imprudemment tomber, et, de peur que les joies de la table ne nous entraînent et ne