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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

fuser ce titre à Mars et à Ényo. Si les éclairs, les foudres, et les nuages ont perdu la qualification divine, pourquoi la conserver au feu, à l’eau, aux étoiles errantes ou comètes qui sont engendrées par une certaine disposition de l’air ? que celui qui fait de la fortune une déesse, en fasse une aussi de l’action ! Par conséquent, si aucune de ces appellations mensongères, si nul de ces simulacres dressés par la main des hommes et dépourvus de sentiment, n’est le Dieu véritable, s’il existe en nous-mêmes, le fait est constant, je ne sais quel invincible préjugé de la puissance divine, il ne nous reste plus qu’à confesser que le Dieu unique et véritable est le seul qui soit et qui ait été. Fermer les yeux à cette vérité, c’est ressembler à ceux qui ont bu de la mandragore[1] ou quelque poison semblable.

Mais à vous, que Dieu vous accorde de revenir de votre sommeil et de connaître le Dieu véritable. Ne prenez plus pour la Divinité l’or, la pierre, le bois, l’action, la maladie, la passion et la crainte. Car la terre est couverte de milliers de démons, qui ne sont ni immortels, ni mortels, puisqu’ils ne participent pas plus à la vie qu’à la mort. Simulacres de bois ou de pierre, que les hommes vénèrent comme leurs maîtres légitimes, ils déshonorent et souillent la vie de leurs adorateurs par une coutume extravagante. « Mais la terre et tout ce qu’elle renferme, nous dit l’Écriture, appartient au Seigneur. »

Pourquoi donc, en jouissant des bienfaits sacrés, avez-vous le courage d’ignorer qu’elle est la main qui vous les envoie ? Renonce à cette terre qui est la mienne, vous criera le Seigneur. Interdis-toi cette eau que ma bonté fait jaillir ! Ne touche point à ces moissons que je cultive. Ô homme, restitue à Dieu les aliments qui te nourrissent. Reconnais ton Seigneur. Tu es l’œuvre particulière de ses mains. À quel titre une créature sur laquelle il a des droits de propriété lui deviendrait-elle étrangère ? Le domaine aliéné, en perdant la propriété, perd en même temps sa

  1. Plante soporative. Chez les Grecs, on disait proverbialement de ceux qui étaient nonchalants par habitude, ou qui avaient manqué d’activité dans une affaire, qu’ils avaient bu de la mandragore.