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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

en face des spectateurs, dont il pouvait redouter la colère. Le fils d’Œagre, Orphée le Thrace, tout à la fois poëte et interprète des dieux, après avoir exposé le mystère des fêtes de Bacchus, et tout le culte idolâtrique, change brusquement de langage au profit de la vérité, et entonne, quoique tardivement, l’hymne sacré :

« Je déchirerai les voiles pour ceux qui ont la permission de voir : profanes, qui que vous soyez, fermez les portes du sanctuaire ! Ô toi, Musée, fils de la brillante Sélène, prête une oreille attentive à mes accents ; je vais te révéler des secrets sublimes. Que les préjugés vains et les affections de ton cœur ne te détournent point de la vie heureuse. Fixe tes regards sur le Verbe divin ; ouvre ton âme à l’intelligence, et marchant dans la voie droite, contemple le roi du monde unique, immortel. »

Puis, le poëte poursuit en termes plus manifestes encore :

« Il est un ; il est de lui-même ; de lui seul tous les êtres sont nés ; il est en eux et au-dessus d’eux : invisible à tous les mortels, il a les yeux ouverts sur tous les mortels. »

Ainsi chante Orphée : il reconnaît enfin l’égarement de ses pensées :

« Mais toi, ô homme, si fécond en expédients, ne tarde pas davantage. Reviens sur tes pas, et désarme la colère de la Divinité. »

En effet, si les Grecs sur lesquels est tombée quelque étincelle du Verbe divin, ont promulgué une faible partie de la vérité, ils attestent par là même qu’elle renferme une puissance qu’il est impossible de comprimer ; mais ils accusent en même temps leur propre faiblesse, puisqu’ils ont manqué le but. Qui ne voit par conséquent que vouloir agir et parler sans l’intervention du Verbe, c’est ressembler au malade qui essaie de marcher avec des jambes perdues ?

Ah ! du moins, puisse le ridicule dont vos poëtes, entraînés par la force de la vérité, couvrent vos dieux jusque sur la scène comique, vous déterminer à embrasser le salut ! Le poëte Ménandre nous dit, dans la pièce intitulée le Cocher :