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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

pierreries ? Tout cela n’est-il pas de la terre, ou né de la terre ? Est-ce que tous ces objets qu’embrassent vos regards ne sont pas sortis du même sein, n’ont pas une mère commune, qui est la terre ? Pourquoi donc, ô insensés, car j’ai besoin de le redire sans cesse, pourquoi adresser l’outrage au ciel, et attacher le respect et la piété à la terre ? Pourquoi vous faire des dieux terrestres, leur donner place dans vos hommages bien avant le Dieu incréé, et vous plonger dans de si profondes ténèbres ? Le marbre de Paros est beau, mais ce marbre n’est pas Neptune. L’ivoire a de l’éclat, mais ce n’est pas encore Jupiter. La matière réclame le secours de l’art ; est-ce que Dieu en a besoin ? L’art vient et donne la forme : la matière a par elle-même un certain prix, une certaine valeur ; la forme seule lui concilie la vénération. Ainsi la statue que vous adorez est de l’or, du bois ou de la pierre, et si vous remontez jusqu’à son origine, elle est de la terre qui a reçu sa figure des mains d’un ouvrier. Pour moi, j’ai appris à fouler aux pieds la terre et non pas à l’adorer. Car il ne m’est pas permis d’attacher l’espérance de mon âme à ce qui n’a point d’âme.

Approchez-vous d’une idole ; il vous suffira d’un regard pour sortir de l’erreur qui vous abuse. On reconnaît vos dieux à l’opprobre de leur figure. Ainsi, on reconnaît Bacchus à sa peau de tigre, Vulcain à son marteau, Cérès à sa tristesse, Ino à sa vigne, Neptune à son trident, Jupiter à son oiseau, Hercule à son bûcher. Voyez-vous une statue dans une honteuse nudité ? vous êtes sûr que c’est une Vénus. Pygmalion de Chypre se prit d’amour pour une statue d’ivoire ; elle représentait Vénus et elle était nue, sa beauté l’enflamma ; il eut commerce avec elle. Nous l’apprenons de Philostephane. Il y avait à Chypre une autre Vénus ; celle-ci était de pierre, elle était aussi fort belle, elle eut un amant qui l’épousa. Notre auteur est ici Possidius. Le premier, a écrit sur l’île de Chypre, le second sur la ville de Cnide. Vous trouverez dans leurs ouvrages les faits que nous venons de rapporter ; ils nous montrent quelle est la puissance de l’art pour séduire, pour enflammer d’amour et entraîner dans l’abîme ceux qu’il a séduits. Oui, l’art a un