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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

distance où ils se trouvent, on apperçoit moins leurs défauts. Alors on est désenchanté des uns et dans l’admiration des autres ; ainsi donc les anciens morts, fiers de l’autorité que le temps concilie à l’erreur, sont devenus dieux chez leurs descendants. Vos mystères, vos grandes assemblées, et les chaînes, et les blessures, et les pleurs de vos dieux sont des preuves de ce que j’avance.

Infortuné que je suis ! s’écrie Jupiter, il ne m’est donc pas donné d’arrêter l’ordre du destin, ni d’empêcher que celui des hommes qui m’est le plus cher ne soit vaincu par ce Patrocle, fils de Menœtius.

Vous le voyez, la volonté de Jupiter est sans force ; vaincu, il pleure à cause de Sarpédon. C’est avec raison que vous appelez vos dieux des idoles et des démons. N’est-ce pas le nom que leur donne votre Homère, qui accorda tant d’injustes honneurs à Minerve et à vos autres divinités. Elle remonta, dit-il, dans l’Olympe vers Jupiter et les autres démons. Comment pouvez-vous encore les regarder comme des dieux, ces démons impurs, horribles, que tous reconnaissent pour des êtres terrestres, fangeux, enfoncés par leur propre poids dans la matière, et sans cesse errants autour des tombeaux ? Là, ils apparaissent comme des spectres dans les ténèbres, de vains simulacres, des ombres creuses, d’affreux fantômes ; voilà vos dieux. Parlerai-je des idoles au pied boiteux, au visage ridé, au regard louche et de travers, qu’on prendrait plus volontiers pour les filles de Thersite que pour celles de Jupiter. Aussi je trouve fort piquant ce mot de Bion : « Pourquoi, dit-il, demander à Jupiter de beaux enfants puisqu’il ne peut s’en donner à lui-même. »

Monstrueuse impiété ! l’essence incorruptible, vous l’avilissez autant qu’il est en vous ! la sainteté par excellence, vous lui réservez l’infection du tombeau ! vous dépouillez Dieu même de sa propre nature ! Pourquoi ces honneurs divins à des êtres qui ne sont rien moins que des dieux ? Pourquoi ce mépris du ciel et cette vénération pour la terre ? Qu’est-ce autre chose que l’or, l’argent, le diamant, le fer, le cuivre, l’ivoire, les