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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

inanimée qui reçoit sa forme des mains d’un ouvrier ? Chez nous, on n’adore pas d’image corporelle faite d’une matière vile et grossière, mais Dieu qui n’est vu que par l’esprit ; et voilà le seul vrai Dieu.

Les insensés ! ils adorent des pierres, et quand ils ont reconnu par l’expérience, dans l’infortune et le malheur, combien cette matière brute est indigne des honneurs divins, ils n’en vont pas moins à leur perte, poussés par la nécessité ou par une crainte superstitieuse. Tandis qu’ils méprisent ces idoles sans vouloir paraître les mépriser, ils sont convaincus de leur impuissance par les dieux même auxquels ont les dédie et qui ne les défendent pas.

Voyez Denys-le-jeune, ce tyran de la Sicile. Il enleva à Jupiter son manteau d’or et lui en fit donner un de laine, disant d’un air moqueur que le dieu s’en trouverait mieux, parce que ce manteau serait plus léger pour l’été et plus chaud pour l’hiver. Antigone de Cizique manquant d’argent, fit fondre une statue de Jupiter d’or massif, et haute de cinq coudées, qu’il remplaça par une autre d’une matière moins précieuse et seulement dorée. Les hirondelles et les autres oiseaux viennent en foule se percher sur vos idoles et les salissent de leurs ordures, sans respect, ni pour Jupiter Olympien, ni pour Esculape d’Épidaure, ni pour la Minerve d’Athènes, ni pour le grand Sérapis d’Égypte. Quoi ! vous n’avez pas encore appris des oiseaux jusqu’à quel point vos idoles sont insensibles !

Les voleurs, les ennemis font des irruptions, et poussés par l’amour de l’or, ils brûlent les temples, pillent les offrandes, fondent les dieux. Si un Cambyse ou un Darius, ou quelqu’autre fou se portent à ces attentats et tuent l’Apis de l’Égypte, je ris qu’on ait tué le dieu du pays, mais je m’indigne, si on l’a fait par le vil motif de l’intérêt. Oublierai-je le crime ou condamnerai-je l’avarice de l’homme, sans parler de l’impuissance du dieu. Le feu, les tremblements de terre ne craignent et ne respectent pas plus les démons et leurs statues que les cailloux dont les flots se jouent sur le rivage. Le feu est ici un bon argument, il guérit à merveille de la superstition. Vou-