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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

On révère Mercure comme un dieu, on lui donne l’intendance des chemins, on en fait un portier ; si vous leur faites cette injure parce qu’elles sont insensibles, pourquoi les adorer comme des dieux ? Si vous les croyez insensibles, pourquoi les mettre devant les portes pour leur faire garder vos maisons ? Les Romains qui attribuent à la fortune le succès de leurs plus grandes entreprises, et qui la vénèrent comme la plus puissante déesse, l’ont placée au milieu des immondices ; ils lui ont consacré un cloaque, sans doute, comme le temple le plus digne d’une semblable divinité. La pierre, le bois, l’or, se soucient peu de l’odeur des victimes ou de leur sang ou de leur fumée, on ne fait que les salir quand on les enfume ainsi par honneur. Au fond, il n’y a là ni honneur, ni outrage. Les statues insensibles sont au-dessous des plus vils animaux. Comme elles sont privées de sentiment, je n’ai jamais pu comprendre comment est venu dans l’esprit de quelqu’un de les adorer, et j’ai plaint la folie de ceux qui étaient tombés les premiers dans cette inconcevable erreur ; je les ai jugés les plus malheureux des hommes. On sait que certains animaux n’ont pas l’usage de tous leurs sens, comme les vers et les chenilles ; il en est dont l’organisation est fort incomplète, comme la taupe et l’araignée qui naît sourde et muette, selon Oricandre. Toutefois ils l’emportent de beaucoup sur vos idoles et vos statues qui sont entièrement stupides ; car ces animaux sont au moins doués d’un sens, tel que l’ouie ou le tact, ou le goût, ou l’odorat ; mais vos statues ne sont douées d’aucun sens. Plusieurs animaux sont privés de la vue, de l’ouie, et de la voix, comme les huîtres ; mais ils vivent, mais ils croissent, ils éprouvent même les influences de la lune. Vos idoles ne peuvent ni agir, ni se remuer, ni sentir. On les lie, on les cloue, on les perce, on les fond, on les lime, on les coupe, on les taille, on les polit. Les statuaires font violence à la terre, quand leur art l’oblige de sortir de sa nature et lui concilie des honneurs divins. Ceux qui font des dieux n’adorent, à mon avis, ni les dieux, ni les démons ; leur culte s’adresse à la terre dont se fait la statue, et à l’habileté qui la façonne. Une statue, qu’est-ce autre chose qu’une terre