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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

vil qu’une beauté flétrie par le crime. Ô homme ! garde-toi d’exercer sur ce don du ciel un odieux empire ; épargne la jeunesse dans sa fleur ; si tu la veux toujours belle, conserve-la toujours pure. Sois le roi de la beauté plutôt que son tyran. Qu’elle demeure libre, et je reconnais la beauté en toi-même dans ton respect inviolable pour son image sacrée, et j’adore la beauté souveraine dont toutes les autres ne sont qu’un reflet. Le tombeau de celui que tu aimais est devenu un temple et une ville. On dit maintenant la ville et le temple d’Antinoüs. Chez vous, les tombeaux et les temples sont également admirés. Pyramides, mausolées, labyrintes, qu’est-ce autre chose que les temples des morts, que les tombeaux des dieux ?

Je veux faire parler ici l’autorité prophétique de la Sibylle. Les oracles ne viennent pas d’Apollon, que les nations abusées ont faussement appelé dieu ou prophète ; mais du grand Dieu que la main de l’homme ne saurait représenter avec la pierre ni par aucune image. La sibylle avait annoncé la ruine des temples, car elle dit en propres termes que celui de Diane, à Éphèse, sera renversé par un tremblement de terre : « Éphèse éplorée fera retentir ses rivages de ses gémissements, elle pleurera son temple et ses yeux le chercheront en vain. » Elle dit de celui d’Isis et de Séraphis qu’il n’en restera pas pierre sur pierre, qu’ils seront dévorés par le feu : « Isis, déesse infortunée, je te vois sur les bords de ton fleuve solitaire, silentieuse, éperdue sur les sables de l’Achéron. » Ensuite elle ajoute : « Et toi Sérapis, assis sur la pierre, quelle sera ta douleur ? Il ne restera de toi que de vastes ruines au sein de la malheureuse Égypte. »

Si vous attachez peu d’importance aux oracles de la Sibylle, écoutez au moins un de vos philosophes, Héraclite d’Éphèse, reprochant aux statues leur insensibilité : « Quand vous les priez, dit-il, c’est comme si vous vous adressiez à des murailles. » N’est-ce pas, en effet, une absurdité monstrueuse d’adorer des pierres, de les placer à la porte des maisons, comme si elles étaient douées de la vie et de quelque pouvoir.