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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

cette triple hécatombe, qui comptait une noble et illustre victime, Théopompe, roi de Lacédémone. Les habitants de la Chersonnèse taurique sacrifient à l’Artémise de la contrée tous les étrangers qu’ils peuvent saisir quand la mer les jette sur leurs parages. Euripide, votre poëte tragique, a mis en scène l’inhumanité de ces sacrifices. Monime, dans son livre des Merveilles, rapporte qu’à Pella, ville de la Thessalie, on immole un Achéen à Pelée et à Chiron. Nous savons d’Anticlide, dans son livre intitulé des Retours, que les Lyciens, peuples de la Crète, sacrifient des hommes à Jupiter. Dosidas nous apprend qu’on offrait à Bacchus de semblables victimes. N’oublions pas les Phocéens. Pythocle, dans son troisième livre de la Concorde, nous dit qu’ils brûlaient un homme sur l’autel de la Diane taurique. Rappellerai-je l’Athénien Érechthée et le Romain Marius, qui sacrifièrent leurs filles, l’un à Proserpine, comme le rapporte Démocrate dans son troisième livre des Aventures tragiques, et l’autre aux dieux averronces, selon Dorothée, dans son quatrième livre de l’Histoire d’Italie ? Connaissez à ces traits l’amour que vous portent les démons. Comment leurs adorateurs ne seraient-ils pas des hommes saints et purs ? Les uns bénissent ces démons comme des libérateurs, les autres leur demandent le salut, ils ne voient pas que leurs hommages s’adressent à ceux qui les perdent. Ils ne voient pas qu’ils commettent un meurtre quand ils leur offrent des sacrifices. Le lieu ne change pas la nature de l’action. Que vous sacrifiiez un homme à Diane, à Jupiter, dans un lieu saint, ou que vous l’immoliez à la Vengeance, à l’Avarice, aux démons, sur un autel ou sur un grand chemin, n’appelez pas l’homme assassiné une victime sacrée ? Votre action n’est pas un sacrifice, c’est un meurtre, un homicide. Ô hommes les plus sages des hommes, vous fuiriez à l’aspect d’une bête féroce, à la rencontre d’un ours ou d’un lion ; comme le voyageur qui, « pressant du pied, dit le poëte latin, un serpent qu’il n’a pas vu d’abord sous les ronces, recule tout à coup saisi d’effroi. » Et quand vous voyez, quand vous comprenez ce que sont les démons, des génies funestes, perfides, les plus cruels ennemis