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SAINT CLÉMENT D'ALEXANDRIE.

ner de Diagoras, » et aussitôt il le jette au feu comme un bois inutile. Les deux extrêmes de l’ignorance sont l’impiété et la superstition, c’est à les éviter que doivent tendre nos efforts ; aussi Moïse, cet interprète sacré de la vérité, veut qu’on tienne à distance de l’assemblée du peuple de Dieu, l’eunuque de naissance, l’homme mutilé et le fils de la courtisane ; par les deux premiers il entend l’athée, l’homme sans Dieu et dès lors sans principe de vie ; par le dernier, il désigne l’idolâtre qui se crée une multitude de dieux à la place du seul vrai Dieu, à peu près comme le bâtard adopte plusieurs pères faute de connaître son véritable père. Il existait autrefois entre le ciel et l’homme une société toute naturelle qui fut longtemps comme violée et interrompue par l’ignorance, mais qui tout à coup s’est dégagée des ténèbres et a brillé d’un nouvel éclat. Cette alliance du ciel et de la terre est ainsi exprimée par un poëte : « Le voyez-vous ce ciel immense, qui de ses bras humides embrasse la terre ? » Parlant du Dieu du ciel, il s’écrie : « Ô vous qui avez la terre pour char, et votre trône au-dessus de la terre, qui que vous soyez, l’homme ne peut vous voir. » Mais pourquoi d’autres maximes aussi fausses que pernicieuses sont-elles venues détourner d’une vie céleste l’homme, enfant des cieux, en égarant, vers des objets terrestres, son cœur et sa pensée ?

Les uns, ne prenant conseil que de leurs yeux, et trompés par l’aspect du ciel et le mouvement des astres, les déifièrent dans les premiers transports de leur admiration. Croyant qu’ils marchaient, ils les appelèrent des dieux ; de là les honneurs divins que l’Inde rendit au soleil, et la Phrygie à la lune. D’autres, plus charmés des productions de la terre qui nous servent de nourriture, ont adoré le blé, sous le nom de Cérès, la vigne, sous le nom de Bacchus ; l’une eut des autels dans Athènes, l’autre dans Thèbes. Ceux-là, frappés des maux qui marchent à la suite du crime, ont déifié le malheur et le châtiment. Les poëtes tragiques imaginèrent des Furies, des Euménides, des Mânes, des Dieux infernaux et vengeurs du crime. Plusieurs philosophes ont imité les poëtes, en faisant des divinités