Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 4.djvu/163

Cette page n’a pas encore été corrigée
99
SAINT CLÉMENT D'ALEXANDRIE.

c’est le cantique nouveau de la tribu de Lévi. « Il dissipe la tristesse, désarme la colère, fait oublier tous les maux. » Je ne sais quoi de doux, de persuasif, se mêle à ce saint cantique, et pénètre au fond des cœurs ; c’est un baume qui vient en guérir toutes les plaies.

À mes yeux votre Orphée de Thrace, votre Amphion de Thèbes, votre Arion de Métymne, n’étaient pas des hommes, ils n’en méritaient pas le nom ; mais des imposteurs qui se servirent des charmes puissants de la musique pour dégrader la nature humaine et de la séduction des prestiges aux démons pour corrompre les mœurs. Ils ont, les premiers, amené l’homme aux pieds des statues ; ils ont érigé en divinités les crimes et les maux, et leur ont dressé des autels.

C’est sur la pierre et sur le bois, dont vous faites des idoles qu’ils ont élevé le triste édifice de la corruption générale, et, cette noble indépendance de l’homme qui se promenait librement sous la voûte des cieux, ils l’ont enchaînée par la perfide mélodie de leurs accords, et placée sous le joug de la plus honteuse servitude.

Qu’il est différent le chantre merveilleux dont je parle. Il est venu, et à l’instant il a brisé nos chaînes, détruit la cruelle tyrannie du démon ; il nous a fait passer sous un autre joug, le plus doux, le plus facile à porter, celui de la piété. Il a relevé vers le ciel le front des hommes tristement courbé vers la terre ; lui seul a pu attendrir la barbarie, apprivoiser l’homme, de tous les animaux le plus féroce. Les oiseaux sont légers, les serpents trompeurs, les lions furieux, les pourceaux impurs, les loups rapaces ; le bois et la pierre sont insensibles : l’homme plongé dans l’ignorance est plus stupide encore. J’en atteste cette parole prophétique d’accord avec la vérité, déplorant le malheur de l’homme, usé par la rouille de l’ignorance et de l’insensibilité : Dieu peut des pierres mêmes susciter des enfants à Abraham.

La vérité ne parlait plus au cœur des hommes ; ils lui opposaient toute la dureté du marbre depuis qu’ils portaient à la pierre le tribut de leur foi et de leurs hommages. C’est alors