Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 4.djvu/162

Cette page n’a pas encore été corrigée
98
SAINT CLÉMENT D'ALEXANDRIE.

avec une lyre et la cigale son émule ; on la voit accourir, on croit l’entendre. Et les Grecs n’ont pas fait difficulté de la croire capable de cette imitation musicale.

Vous avez ajouté foi à ces fables ; l’on a pu vous persuader que des bêtes se laissaient à ce point charmer par la musique ; c’est la vérité seule, malgré sa vive clarté, qui passe pour mensonge et qui rencontre chez vous des incrédules.

Et l’Hélicon, et le Cithéron, et les montagnes de l’Odryse, et les initiations des Thraces, tous ces mystères de déception ont reçu un culte divin, ont eu des hymnes en leur honneur. Je vous l’avoue, les malheurs que chantent vos poëtes tragiques remuent toute la sensibilité de mon âme, bien qu’ils ne soient que des fables ; ils mettent en scène tous les maux de l’humanité. Mais voulez-vous m’en croire ? et ces fables, et ces poëtes ceints du lierre de Bacchus, sans frein dans leur ivresse et dans leur délire, au milieu des orgies, et la troupe des satyres, et la multitude des bacchantes furibondes ; enfin tout ce ramas de dieux surannés, enfermons-les dans l’Hélicon, dans le Parnasse, vieillis eux-mêmes et aujourd’hui sans honneur.

À leur place faisons descendre du ciel sur la montagne du vrai Dieu, au milieu du chœur sacré des prophètes, la vérité ou la raison aux clartés si vives.

Qu’elle inonde les hommes de sa lumière, et dissipe les ténèbres où ils sont ensevelis. Qu’elle leur tende une main amie, c’est-à-dire qu’elle leur rende l’intelligence pour les tirer de l’erreur et les remettre dans la voie du salut. Qu’ils lèvent les yeux vers le ciel, qu’ils se dégagent des ombres de la mort, qu’ils désertent l’Hélicon et le Parnasse, et n’habitent plus désormais que les hauteurs de Sion. C’est de Sion que viendra la loi, c’est de Jérusalem que sortira la parole du Seigneur. La parole de Dieu, c’est le Verbe descendu du ciel, et couronné comme un athlète sur la scène du monde.

Mon Eunone à moi ne fait entendre ni les accents de Terpandre ou de Capiton, ni les accords de la Phrygie ou de la Lydie, ou de la Doride ; mais un chant d’une suavité nouvelle, une mélodie toute céleste, une harmonie immortelle et divine ;