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NOTICE SUR SAINT CLÉMENT.


pour se préparer à la dernière séparation, qui est la mort. En effet, la dignité de l’homme consiste dans son âme ; son corps est attaché à la terre ; mais son âme tend vers le ciel. Cette vie, qui unit le corps à l’âme, est une mort. La vie, c’est la séparation du corps d’avec l’âme. Ainsi, le martyr abandonne son corps ; son âme reste libre. La mort même est une jouissance pour lui, parce qu’elle lui ouvre la porte du ciel. Dieu soutient son courage au milieu des tourments. Les païens ne nuisent point aux Chrétiens en les faisant mourir ; si ces derniers sont raisonnables, ils doivent au contraire des remercîments à ceux qui les persécutent.

Il paraît qu’il y avait des hérétiques qui n’admettaient que le martyre de la confession et qui rejetaient le martyre du sang comme un suicide. Mais, comme il était impossible de confesser sans s’exposer à la mort, il arrivait que ceux qui professaient cette doctrine ne confessaient pas jusqu’à la fin. Saint Clément repousse avec raison une pareille opinion ; cependant il déclare que ceux qui s’offrent d’eux-mêmes à la mort ne sont pas martyrs. Il les compare aux gymnosophistes de l’Inde, qui se précipitent inutilement dans un bûcher. « Les Chrétiens, dit-il, ne doivent pas se présenter aux juges sans être appelés, parce qu’il nous est interdit de nous faire aucun mal à nous-mêmes et conséquemment d’être complices du mal que les autres peuvent nous faire. » De même dans son Pédagogue, il avait défendu aux Chrétiens de saluer publiquement leurs frères du nom de Chrétiens, de crainte d’éveiller la persécution contre les fidèles. S’il réfute l’opinion de ceux qui rejetaient le martyre comme un suicide, il attaque à plus forte raison celle de Basilide, qui affirmait que le martyre était un supplice employé par Dieu pour nous punir de nos fautes. « Si le martyre est un châtiment, s’écrie saint Clément, la foi chrétienne et la doctrine, qui nous ordonne de la confesser, sont aussi des châtiments. Que devient alors l’amour de Dieu ? où est la gloire du confesseur ? où est la honte du renégat ? » C’est ainsi que saint Clément excite ou retient tour à tour le zèle des Chrétiens en leur ordonnant de confesser la foi au milieu des plus cruels supplices en même