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portée à son comble ? Tantôt l’acteur peint l’adultère ou le met sous les yeux ; tantôt un histrion lascif fait passer dans le cœur les honteux amours qu’il représente ; il déshonore vos dieux en leur prêtant de langoureux soupirs, des haines, des infamies, ou bien il provoque vos larmes par l’hypocrisie de sa douleur, par l’imposture de son geste et de son visage ; ainsi donc vous voulez l’homicide en réalité sur l’arène, et vous en allez pleurer le mensonge au théâtre.

XXXVIII. Le mépris que nous montrons pour les restes de vos sacrifices et pour le vin répandu sur vos autels, ne décèle point en nous la crainte ; il manifeste une noble indépendance. Nous savons bien que rien ne corrompt les productions de la nature, car les présents de la divinité sont inaltérables : toutefois nous ne touchons à aucune de vos offrandes, parce que nous ne voulons pas qu’on puisse supposer que nous rougissons de notre Dieu et que nous avons des intelligences avec les démons auxquels vous sacrifiez. Qui nous croirait insensibles aux charmes des fleurs que le printemps fait éclore, quand on nous voit cueillir la rose, le lys, et toutes les autres fleurs d’un vif éclat ou d’un doux parfum ; nous usons de ces fleurs semées çà et là en les prenant isolées pour en respirer l’odeur, ou bien en les entrelaçant pour les placer devant nous ; mais si nous n’en couronnons pas nos fronts, veuillez nous le pardonner, nous avons coutume de respirer une fleur par l’odorat et non par l’extrémité de la tête ou par les cheveux. Nous ne déposons pas de couronnes sur les tombeaux, n’en soyez pas surpris ; c’est à plus juste titre que nous pourrions nous étonner de vos usages à l’égard des morts. S’il leur reste du sentiment, pourquoi les brûler ? S’ils n’en ont plus, à quoi bon des fleurs ? Heureux, ils n’en ont pas besoin ; malheureux, ils n’en jouiront pas. Nos obsèques sont aussi simples que notre vie, nous n’entourons pas la tombe de couronnes qui se flétrissent ; nous attendons de Dieu même une couronne de fleurs éternelles, dont rien ne peut ternir l’éclat. Modestes et nous reposant sans inquiétude au sein de sa libéralité, nous vivifions l’espérance du bonheur qu’il nous promet dans une autre vie, par la foi en