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mences se corrompent pour revivre. Ainsi le corps dans le tombeau, comme l’arbre dans l’hiver, cache un principe de vie sous une apparence trompeuse de mort. Pourquoi ce désir empressé qu’il revive au fort de l’hiver ? Le corps a son printemps qu’il faut savoir attendre. Je sais que la plupart des hommes, sentant ce qu’ils méritent ont plutôt le désir que la certitude de n’être rien après leur mort ; ils aimeraient mieux être anéantis que de revivre pour le supplice. Leur illusion s’augmente et de leur extrême licence durant la vie et de la longue patience de Dieu qui les laisse impunis. Ils ne songent pas que ses jugements sont d’autant plus sévères qu’ils sont plus lents.

XXXV. Cependant vos savants dans leurs livres, vos poètes dans leurs vers, vous parlent d’un fleuve de feu, des replis multipliés du Styx aux flammes dévorantes, préparées pour servir à d’éternels supplices et connues par les révélations des démons ou par les oracles des prophètes. Car ils n’ont pas tiré d’une autre source les vérités qu’ils vous ont transmises. Voilà pourquoi, chez vos poètes, Jupiter jure avec un religieux respect par des rives brûlantes, par un gouffre ténébreux. Il presse les supplices qui l’attendent avec ses adorateurs et il frissonne ; supplice sans mesure comme sans bornes. Là un feu intelligent brûle les membres et les répare, il dévore et nourrit, il ressemble à celui de la foudre qui atteint et ne consume pas ; au Vésuve, à l’Étna, aux autres volcans qui s’embrasent et ne s’épuisent pas. Ce feu vengeur s’entretient, non de ce qu’il enlève à ceux qu’il dévore, mais des inextinguibles et déchirantes douleurs de ces malheureux. Que ceux qui ne connaissent pas Dieu méritent d’être punis comme des coupables, des impies, quel autre qu’un profane peut ici élever un doute, puisque ce n’est pas un moindre crime d’ignorer que d’offenser le père de tous les hommes, le maître de toutes choses. Sans parler de l’ignorance de Dieu qui suffit pour mériter le châtiment, comme sa connaissance sert pour obtenir le pardon, comparez les Chrétiens avec vous autres ; quand vous rencontrez parmi nous des hommes au-dessous de leurs principes, combien ne les trouvez-vous pas encore supérieurs à vous ?