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core une invention de la ligue infernale, pour flétrir d’une pareille infamie la gloire de notre chasteté, et, par l’effroi de cette horrible idée, aliéner de nous les esprits, avant qu’ils aient pu connaître la vérité. Aussi votre Fronton ne le dit point comme un témoin qui affirme ce qu’il a vu, mais comme un auteur qui lance un sarcasme. Et d’où l’idée en est-elle venue, sinon des usages qui se trouvent encore parmi vous ? En Perse, on peut être le mari de sa mère ; en Égypte, chez les Athéniens, épouser sa sœur. On fait vanité de l’inceste dans vos histoires et dans vos tragédies, et vous mettez votre bonheur à les lire et à les écouter. Adorez-vous autre chose que des dieux incestueux qui se sont unis à leurs mères, à leurs filles, à leurs sœurs ? Voilà pourquoi l’inceste se trahit souvent chez vous et s’y commet toujours. Même sans le savoir, malheureux que vous êtes ! vous pouvez vous précipiter dans ce crime, puisque votre lubricité se jette sur toutes les femmes, puisque vous semez partout vos enfants, puisque vous abandonnez à la pitié publique ceux mêmes qui naissent dans vos mains. Est-il possible que vous ne rencontriez pas votre sang, que la méprise ne vous livre point à ceux qui vous doivent le jour ? C’est contre le témoignage même de votre conscience, que vous arrangez cette fable qui nous accuse d’inceste. Chez nous la pudeur est dans l’âme, et non pas seulement sur le visage. Nous demeurons volontiers dans les liens du mariage, mais nous n’en contractons qu’un seul, comme nous ne connaissons qu’une seule femme, dans l’unique désir d’avoir des enfants, autrement nous n’en connaissons aucune. Non seulement la pudeur, mais encore la sobriété préside à nos festins. Nous n’y savourons pas les mets avec délices, nous ne les prolongeons point par les charmes du vin. Chez nous, une grave modestie tempère la gaîté. Pudiques dans leurs paroles, et plus encore dans leurs mœurs, la plupart d’entre nous se glorifient d’une virginité inviolablement conservée. Nous sommes si éloignés de l’inceste, que plusieurs rougissent même des plaisirs légitimes d’une chaste union.

On ne doit point nous reléguer dans les derniers rangs du