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effet, l’erreur commune ne cherche son excuse que dans la multitude des esprits égarés.

XXV. Ainsi, selon vous, cette superstition là même aurait fondé, accru, affermi l’empire romain, et c’est moins par la valeur que par la religion et la piété qu’il serait devenu puissant. Oui, sans doute, l’équité romaine a jeté un grand et noble éclat sur le berceau de cet empire.

Rassemblés d’abord par le crime, n’est-ce point à la faveur de l’effroi que répandait leur férocité, que les Romains durent leur accroissement. Une première populace s’attroupe dans une caverne ; là, de toutes parts, accourent des brigands, des scélérats, des incestueux, des assassins, des traitres. Romulus leur maître et leur chef, pour avoir sur eux la supériorité du crime commet un fratricide. Voilà le noble début de cette pieuse cité. Bientôt après elle enlève, elle trompe, elle déshonore sans aucune pudeur, des filles étrangères, fiancées et promises, de jeunes femmes déjà mariées.

C’est à leurs parents, c’est-à-dire à ses beaux-pères, qu’elle déclare une guerre impie. Elle se hâte de verser le sang auquel elle vient de s’unir. Quoi de plus sacrilége, de plus hardi, de plus audacieux, que cette assurance dans le crime ! Chasser leurs voisins de leur territoire, détruire les villes d’alentour, avec leurs temples et leurs autels, opprimer les captifs, s’accroître par la ruine et par le brigandage, telle a été la politique de Romulus, des autres rois et des chefs qui vinrent après.

Ainsi, tout ce que les Romains occupent, adorent, possèdent, est le fruit de l’audace. Leurs temples sont bâtis avec les débris des villes, les dépouilles des dieux, le sang des prêtres. Adopter les religions vaincues, les révérer captives après la victoire, c’est les insulter et les mépriser. Adorer ce qu’on a pris à main armée, c’est consacrer le sacrilége et non des dieux ; pour les Romains autant de triomphes, autant d’impiétés ; autant de trophées sur les nations, autant de dépouilles sur les dieux. Ils furent grands non pour avoir été religieux, mais impunément sacriléges : et comment, dans les batailles, pou-