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bannit de sa république, qui n’existe que dans ses livres, le fameux Homère ; mais toutefois après l’avoir comblé d’éloges et chargé de couronnes. Dans sa guerre de Troye, ce poète, plus qu’aucun autre, a trop assimilé vos dieux aux hommes, bien que ce ne soit ici qu’un jeu de son esprit. Il les a divisés en deux camps qu’il met aux prises. Il blesse Vénus, il enchaîne le dieu Mars, il fait couler son sang, il l’oblige à fuir. Il montre Jupiter délivré par Briarée des autres dieux qui voulaient le garotter, pleurant en pluie de sang son fils Sarpédon, qu’il ne peut arracher à la mort, embrasé d’amour par la ceinture de Vénus, et plus épris de Junon que d’aucune de ces amantes adultères. Ailleurs, Hercule transporte des fumiers hors d’une étable ; Apollon fait paître les troupeaux d’un roi appelé Admète ; Neptune relève des murailles pour un certain Laomédon, et, maçon infortuné, il se voit frustré du fruit de son travail. Dans un autre poète, on forge, sur une enclume, les foudres de Jupiter et les armes d’Énée, comme si le ciel, les foudres, les éclairs n’existaient pas longtemps avant que Jupiter reçût le jour dans l’île de Crète, comme si un cyclope pouvait imiter les flammes de la véritable foudre, comme si ce Jupiter ne devait pas les craindre. Que dirai-je de cet adultère de Vénus et de Mars, mis au grand jour ; de cette infâme passion de Jupiter pour Ganymède, consacré dans le ciel ? On a sans doute inventé, transmis toutes ces turpitudes, pour concilier au crime une autorité divine. Par le charme trop séduisant de ces mensonges et de ces fictions, on corrompt l’esprit des enfants, où se fortifie et se conserve jusque dans un âge très-avancé l’impression profonde laissée par ces fables. Ces infortunés vieillissent dans leurs préjugés ; et, ne voyant rien au-delà, ils n’arrivent point à la vérité, qui se présente toujours à ceux qui la cherchent.

Que Saturne, le père de cette race, de cet essaim de dieux, n’ait été qu’un homme, tous les auteurs de l’antiquité, grecs et romains, l’attestent. Nous l’apprenons de Népos et de Cassius, dans leur histoire ; Thallus et Diodore l’ont dit aussi. Ce Saturne, fuyant la Crète pour échapper à la fureur de son