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Sans doute Démocrite va me tirer du chaos. Les principes des choses, me dit-il, sont ce qui est et ce qui n’est pas ; ce qui est, c’est le plein ; ce qui n’est pas, c’est le vide ; or, c’est dans le vide que tout se passe par un changement de forme ou de nature. Je rirais volontiers avec le bon Démocrite en adoptant ce système, si Héraclite ne venait me dire, la larme à l’œil, que c’est le feu qui est la cause première de tout ; qu’il passe par deux états, l’un de raréfaction, l’autre de densité ; que le premier agit, que le second reçoit ; que l’un réunit, que l’autre divise. Je suis harassé de systèmes, la tête me tourne ; mais Épicure me conjure de ne pas faire à la sublime invention du vide et des atomes l’injure de la dédaigner. Leur combinaison multiple et variée suffit, dit-il, pour expliquer comment tout naît et se détruit.

VII. Je ne te contredirai point, excellent Épicure ; mais Cléante, sortant la tête de son puits, se moque de tes atomes et de leurs combinaisons. Je vais donc puiser près de lui les vrais principes des choses. Il m’annonce que c’est Dieu et la matière : je prétends, dit-il, que la terre se change en eau, l’eau en air ; que l’air s’élève, que le feu s’approche de la terre ; qu’un vaste esprit est répandu partout, que celui qui nous anime n’en est qu’une partie.

Voilà pourtant une bien nombreuse armée de philosophes. Que dirai-je de cette autre non moins considérable qui sort de l’Afrique, comme un torrent ? Carnéade, Clitomaque et leurs sectaires, foulant indignement aux pieds les arrêts de tous les autres, décident que tout est impénétrable, que le mensonge est toujours mêlé à la vérité. Que devenir après les ennuis de recherches aussi pénibles ? Comment faire sortir de mon esprit ce monde de systèmes où il se perd ? Rien n’est accessible à notre intelligence. La vérité est donc reléguée loin de nous, et cette philosophie si vantée ne sanctionne que des chimères au lieu de transmettre une science certaine.

Mais voici l’ancienne tribu des graves et taciturnes pythagoriciens qui enseigne une autre doctrine sous le voile du mystère et qui l’appuie de son grand et profond argument : le maître