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ce que nous avons dit ; je ne m’y arrêterai qu’autant qu’il est nécessaire pour remplir ma promesse, et prévenir le reproche qu’on pourrait me faire d’avoir omis quelques preuves et de laisser incomplète la division que j’avais adoptée. Pour cette raison, et dans l’intérêt de ceux qui approfondiront cette matière, qu’il nous suffise des réflexions suivantes : la nature ni l’art ne produisent rien qui n’ait une fin particulière ; tout nous enseigne cette vérité, le bon sens, l’expérience, chacun des objets placés sous nos yeux. En effet, ne voyons-nous pas que la fin qui fait agir le laboureur est différente de celle que se propose le médecin ? n’est-il pas vrai que les plantes que nous voyons sortir de la terre n’ont pas la même destinée que les animaux qui se nourrissent de ses dons, et se reproduisent naturellement les uns les autres ? S’il est évident, s’il est de toute nécessité que les puissances qui sont du domaine de la nature ou de l’art aient, ainsi que leurs œuvres, une fin qui leur soit propre, il est également nécessaire que la fin de l’homme, comme fin particulière tenant à sa nature, soit mise à part de toutes les autres. Car il ne serait pas raisonnable de faire tendre à une fin commune des êtres dépourvus de jugement, et des créatures douées de raison qui peuvent se conduire avec prudence, et pratiquer la justice. L’exemption de la souffrance sera-t-elle leur fin propre ? Non, car elle irait jusqu’à les confondre avec les êtres privés de sentiment. Seraient-ce les plaisirs sensibles, la jouissance de tout ce qui peut nourrir ou flatter le corps ? Dans ce cas, il faudrait que la vie animale occupât le premier rang, et que la vie raisonnable ne se rattachât à rien. Or, à mon avis, cette vie animale est la fin propre de la brute, et non point celle de l’homme doué d’une âme immortelle, et d’un esprit qui raisonne.

XXV. La fin de l’homme n’est pas non plus le bonheur de l’âme séparée du corps. En effet, nous n’examinons point ici la vie ou la fin de l’une ou de l’autre des deux natures dont l’homme se compose, mais bien celle de son être tout entier formé de ces deux natures. Tout homme qui a reçu la vie doit avoir une fin propre à cette vie. Si cette fin est celle de ses