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que ces hommes n’ont pas faite ; ils me semblent n’avoir pas examiné la nature et les propriétés de chaque aliment et de chaque individu qui s’en nourrit ; car ils auraient vu que tout aliment que le besoin force à prendre ne profite pas toujours, qu’il se corrompt dans les replis de l’estomac, puisqu’il est vomi et sécrété, ou rendu d’une autre manière. Ensorte que, bien loin de se mêler aux parties du corps qu’il devait nourrir, il ne peut supporter une première digestion. De plus, il s’en faut bien que ce qui soutient dans l’estomac la première digestion parvienne en entier aux membres qui devaient s’en nourrir ; une partie perd dans les intestins sa vertu nutritive ; d’autres parties, à leur seconde transformation, qui se fait dans le foie, sont sécrétées encore, et vont se mêler aux matières déjà dépouillées de la vertu nourricière. Bien plus, toute cette matière ainsi transformée dans le foie ne nourrit pas, mais une partie se sépare encore et demeure ordinairement sans effet ; et souvent le peu qui reste, lorsqu’il arrive à sa destination, c’est-à-dire aux membres ou aux parties de membres qui doivent s’en nourrir, se gâte et se corrompt, par le voisinage de quelque humeur maligne et dominante qui infecte ou change en elle-même tout ce qu’elle touche.

VI. Puis donc que les animaux sont infiniment variés dans leur nature, et que les aliments appropriés à leur organisation diffèrent selon l’espèce et la forme de chacun d’eux ; puisqu’on distingue dans tout animal trois sortes de digestions et de sécrétions, il faut nécessairement que tout ce qui ne sert point à la nutrition, tout ce qui ne peut s’incorporer à la substance de l’animal, se corrompe et cherche une issue, ou se change en quelqu’autre matière nuisible au corps avec lequel elle ne pourrait s’allier. Il en est tout autrement de la nourriture accommodée à la nature du corps qui la reçoit, élaborée dans les conduits digestifs, et entièrement purifiée par des sécrétions naturelles ; elle seule ajoute à sa substance et la développe. Si l’on veut appeler les choses par leur nom, voilà celle qui mérite d’être appelée aliment, quand elle est ainsi dégagée de tout