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tice ordinaire, qui consiste à rendre la pareille ; la patience et la charité même à l’égard de nos ennemis est pour nous un devoir.

XXXV. Après cela, quel homme assez insensé, puisque telle est notre conduite, pourrait nous traiter d’homicides ? Et dès lors si nous ne sommes point homicides, que devient l’accusation de manger de la chair humaine ? On ne peut en manger sans avoir d’abord égorgé un homme. Qu’on demande donc à ceux qui nous accusent de ces horribles festins si jamais ils nous ont vu égorger quelqu’un : personne parmi eux, j’en suis sûr, ne serait assez impudent pour oser l’assurer. Il en est parmi nous qui ont des esclaves, les uns plus, les autres moins ; il ne serait pas possible de se cacher d’eux, et aucun de ces esclaves n’a inventé contre nous de pareilles calomnies. Comment, en effet, pourrait-on accuser de tuer et de manger des hommes ceux qui ne se permettent pas même, comme on le sait, d’assister aux exécutions des criminels ? Qui de vos sujets n’est avide des spectacles de gladiateurs et de bêtes féroces, surtout si c’est vous-mêmes qui les donnez ? Pour nous, persuadés qu’il y a peu de différence entre regarder avec plaisir un meurtre et le commettre, nous fuyons avec horreur ces spectacles. Comment donc pourrions-nous tremper nos mains dans le sang, nous qui croyons ne devoir pas même assister à un meurtre, de peur que le crime et l’expiation de ce crime ne retombent sur nous ? Comment pourrions-nous égorger un homme, nous qui traitons d’homicides les femmes qui se font avorter, persuadés comme nous le sommes qu’elles seront sévèrement punies au jugement de Dieu ? Certes, le même homme ne peut regarder l’enfant encore dans le sein de sa mère comme un être dont Dieu s’occupe, et le tuer aussitôt après sa naissance ; le même homme qui se reprocherait d’être un parricide, s’il exposait son enfant, est incapable de le tuer de sa main quand il l’aura nourri et élevé. Non, non, notre conduite ne se dément point de la sorte ; mais, toujours semblables à nous-mêmes, nous agissons conformément à la raison, sans prétendre l’asservir à nos passions.