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Il me fit connaître, sans détour, son nom et son origine. Je m’appelle Tryphon, me dit-il, je suis Hébreu et circoncis ; chassé de ma patrie par la dernière guerre, je me suis retiré dans la Grèce et je demeure ordinairement à Corinthe.

— Et qu’espérez-vous de la philosophie ? lui demandai-je ; peut-elle vous être aussi utile que votre législateur et vos prophètes ?

— Est-ce que les philosophes, reprit Tryphon, ne s’occupent pas uniquement de Dieu ; leurs discussions n’ont-elles pas toutes pour objet son unité, sa providence ? Enfin, si je ne me trompe, la philosophie n’a pas d’autre but que la connaissance de Dieu.

— Oui, ce devrait être l’objet de toutes ses recherches ; mais qu’il existe plusieurs dieux, ou qu’il n’en existe qu’un seul ; qu’il veille ou non sur chacun de nous, voilà ce que bien peu de philosophes cherchent à savoir, comme si cette connaissance importait peu au bonheur ! Ils s’efforcent seulement de nous persuader que si Dieu prend soin de l’univers, des genres, des espèces ; il ne s’occupe ni de vous, ni de moi, ni d’aucun être en particulier. Ils vous diront même qu’il est fort inutile de le prier jour et nuit. Vous voyez où tendent leurs doctrines ; ils ne cherchent qu’à s’assurer la licence et l’impunité, d’agiter et de suivre les opinions qui leur plaisent, de faire et dire ce qu’ils veulent, n’attendant de la part de Dieu ni châtiment, ni récompense. En effet, que peuvent craindre ou espérer des hommes qui enseignent que rien ne doit changer, que nous serons toujours vous et moi ce que nous sommes aujourd’hui, ni meilleurs ni pires ? D’autres, partant de l’idée que l’âme est spirituelle et immortelle de sa nature, pensent qu’ils n’ont rien à craindre après cette vie, s’ils ont fait le mal ; parce que d’après leurs principes un être immatériel est impassible, et qu’on peut se passer de Dieu puisque l’on ne peut mourir.

Alors Tryphon me dit avec un sourire gracieux : Et vous, que pensez-vous sur toutes ces questions ? Quelle idée avez-vous de Dieu ? Quelle est votre philosophie, dites-le nous ?

II. — Je vous dirai tout ce que je pense, lui répondis-je. As-