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écrivains ingénieux, de brillants sophistes commentaient la philosophie grecque dans Antioche et dans Alexandrie. Il semblait que dans cet accroissement de son empire le polythéisme grec devait subir mille variations de climats et de mœurs. L’esprit enthousiaste et superstitieux des Orientaux se fût mal accommodé du scepticisme de l’Académie ; et si Lucien naquit à Samosate, en Syrie, ce fut dans Athènes qu’il apprit à railler si librement les dieux. L’Asie-Mineure offrait pourtant le mélange des dieux élégants de la Grèce avec les superstitions du pays. Elle était remplie de prêtres errants qui portaient avec eux leurs impures divinités, et étaient astrologues et jongleurs. La licence des mœurs était à la fois excitée par le climat et la religion ; d’antiques traditions conservaient auprès d’Antioche les impurs mystères d’Adonis. Dans Éphèse, le culte de Diane et les merveilles de son temple faisaient vivre une foule d’ouvriers, qui vendaient aux habitants et aux étrangers de petites statues de la déesse en or et en argent. Nulle part la superstition n’était plus lucrative.

Mais le pays où elle semblait se renouveler avec une inépuisable fécondité, c’était l’Égypte. L’ancienne religion du pays, le polythéisme grec, le culte romain, les philosophies orientales, étaient réunies et confondues, comme ces couches de limon que le Nil débordé entasse au loin sur ses rivages. Dans le repos de la conquête romaine, les esprits n’avaient pas d’autre occupation que les controverses. Alexandrie, ville de commerce, de science et de plaisirs, fréquentée par tous les navigateurs de l’Europe et de l’Asie, avec ses monuments, sa vaste bibliothèque, ses écoles, semblait l’Athènes de l’Orient, plus riche, plus peuplée, plus féconde en vaines disputes que la véritable Athènes, mais n’ayant pas cette sagesse d’imagination et ce goût vrai dans les arts. Alexandrie était plutôt la Babel de l’érudition profane. Là, se formait cette philosophie orientale, suspendue entre une métaphysique toute idéale et une théurgie délirante, remontant par quelques traditions antiques à la pureté du culte primordial, à l’unité de l’essence divine, s’égarant par un nouveau polythéisme dans ces régions