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de son âme mobile et passionnée. Apprendrez-vous quelque chose par ce billet familier, où Cicéron, annonçant à sa femme qu’il vient d’être malade, ajoute ces paroles assez curieuses : « J’ai été soulagé si vite, qu’il semble que quelque Dieu m’ait guéri ; aussi ne manquez pas d’offrir, avec le soin pieux et la pureté qui vous est ordinaire, un sacrifice à ces dieux, c’est-à-dire à Esculape et à Apollon. » Mais ce passage est-il sérieux ? N’est-ce pas quelque allusion légèrement ironique, comme celle de Socrate, ordonnant d’immoler un coq à Esculape ? Voilà ce qu’il est difficile de deviner à coup sûr.

Dans le quatrième siècle, un des apologistes du Christianisme accusait Cicéron, tantôt de complaisance pour les superstitions de son temps, tantôt de complicité dans ces mêmes erreurs. « Ô Cicéron, lui dit-il quelque part, que n’essayais-tu d’éclairer le peuple ! Cette œuvre était digne d’exercer ton éloquence. Tu ne devais pas craindre que la parole te manquât dans une cause si juste, toi qui en défendis si souvent de mauvaises avec tant d’abondance et de vigueur. Mais apparemment tu redoutes le cachot de Socrate, et tu n’oses prendre en main la défense de la vérité. » Ailleurs, l’accusant d’avoir cru lui-même à la vérité des apothéoses, Lactance cite ces paroles que Cicéron avait écrites dans sa douleur, après avoir perdu sa fille : « Si jamais créature humaine mérite d’être divinisée, sans doute, c’est Tullie. Ô toi, la plus vertueuse et la plus éclairée des femmes, accueillie parmi les dieux, je te consacrerai dans la croyance de tous les mortels ! » Mais ce délire d’une imagination vive et tendre, ce paganisme de l’amour paternel, ne prouve rien sans doute sur la croyance de Cicéron aux fables de l’antiquité ; tous ses ouvrages philosophiques sont là pour le démentir. Il était de la religion qu’avait annoncée Socrate ; il continua cette belle tradition de vérités morales : mais, fidèle observateur des lois de son pays, passionné pour les institutions et les exemples d’une république qu’il voyait disparaître, cherchant sa force dans les souvenirs du temps passé, il craint de détruire, et quelquefois il défendait un culte qu’il croyait gardien du