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comme une fable. Quant à son opinion sur les dieux du paganisme, elle semble également varier selon qu’il parle en orateur, qu’il discute en philosophe ou qu’il s’épanche avec ses amis dans la libre confiance d’un commerce familier : orateur, il emploie les pieuses croyances, l’intervention miraculeuse des dieux, l’inviolabilité des autels, la sainteté des rites antiques. Poursuit-il Verrès, son ardente prière fait descendre tous les dieux autour du tribunal, pour accabler un spoliateur sacrilége. Défend-il Fontéius, il invoque sur lui les mains tutélaires d’une sœur qui veille à la durée de l’empire et des feux de Vesta.

Mais dans ses ouvrages philosophiques, Cicéron, libre et ingénieux disciple des Grecs, ne voit plus dans la mythologie vulgaire qu’un tissu de fausses traditions ou d’allégories mal comprises. Bien que la diversité des opinions qu’il prête à ses interlocuteurs laisse quelquefois une sorte d’incertitude sur sa propre pensée, il est clair qu’il ne croit pas au polythéisme, et qu’il doute de tout le reste. Ses ouvrages ne sont à la vérité que des analyses contradictoires de toutes les opinions déjà répandues dans la Grèce, mais on ne peut douter que Cicéron, leur donnant le crédit de son nom et la popularité de son éloquence, n’ait puissamment contribué à détruire, dans sa patrie, l’ancien système religieux dont ces opinions montraient le ridicule et l’insuffisance. À travers quelques précautions, qui semblent des égards pour la croyance reçue de l’état, les Tusculanes et la nature des dieux renversent tout l’édifice du paganisme, et le réduisent à des fables ou à des symboles. Le Traité de la divination, ouvrage moins spéculatif et moins imité des Grecs, n’est qu’une longue division de l’une des parties les plus essentielles du culte public, des auspices auxquels Cicéron lui-même présidait, et dont il recommande d’ailleurs l’emploi, comme utile à la république. Toutes les espèces d’oracles et de prédictions, toutes les fourberies des prêtres païens, et toutes les sottises de la crédulité humaine, sont attaquées dans le second livre de ce singulier ouvrage, avec une hardiesse que Cicéron ne cache plus sous le nom d’un interlo-