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XIX. Au reste, si vous ne voyez point ces choses vous-mêmes, apprenez-les de nous qui les connaissons. Vous dites que vous méprisez la mort et que votre esprit ne s’exerce point hors de lui-même ; et en effet, vos philosophes s’occupent si peu des soins corporels, que quelques uns d’entr’eux reçoivent tous les ans six cents pièces d’or de l’empereur romain, non point en récompense de leurs services, mais afin qu’ils ne portent point gratuitement une longue barbe. Je ne parlerai point de Crescent, qui était venu s’établir dans une grande ville, qui ne le cédait à personne par ses infâmes amours, et qui n’était occupé qu’à ramasser de l’or. Cet homme, tout en affectant de mépriser la mort, la craignait cependant si fort, qu’il s’efforça par ses artifices de nous la donner à Justin et à moi, parce que, comme si c’eût été un mal, Justin accusait les philosophes d’intempérance et de mensonge. Et ces persécutions, il ne les dirigeait que contre nous. Puisque vous pensez aussi bien que nous que la mort n’est pas à craindre, ne la désirez donc point, comme Anaxarque, pour un vain amour des louanges humaines, mais plutôt méprisez-la pour acquérir la connaissance du vrai Dieu. Car la construction du monde est belle ; mais la manière dont on y vit est déplorable ; et il est triste de voir ceux qui ne connaissent point Dieu couverts d’éloges et d’applaudissements, comme dans une assemblée solennelle. Qu’est-ce en effet que la divination ? Pourquoi vous laissez-vous tromper par elle ? C’est que cet art sert toutes les passions qui règnent dans le monde. Vous voulez faire la guerre, et vous consultez Apollon, le conseiller des meurtres. Vous voulez enlever une jeune fille, et vous désirez qu’un démon vienne à votre secours. Vous êtes malade, et vous désirez être assisté des dieux, comme Agamemnon s’entourait de dix conseillers. Une femme est en fureur après avoir bu de l’eau, et elle est transportée hors d’elle-même en y mêlant de l’encens, et aussitôt vous dites qu’elle rend des oracles. Apollon connaissait les choses futures et il était le maître des devins ; cependant il se trompa lui-même à l’égard de Daphné. Un chêne, dites-vous, rend des oracles, et les oiseaux eux-mêmes annoncent l’avenir : vous êtes donc au-dessous et des oiseaux et des plantes ; et il eût été bien plus glorieux pour vous de croître dans les forêts comme le bois qui annonce l’avenir ou de voler comme les oiseaux. Le Dieu qui vous rend avare vous invite à faire fortune ; celui qui excite les combats et les séditions vous prédit la victoire. Que ne surmontez-vous les troubles de votre âme, c’est le moyen de fouler aux pieds toutes les choses de ce monde ; et lorsque nous tenons cette conduite, pourquoi nous poursuivre de votre haine ? Repoussez plu-