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et qu’ils en ont abusé. On y trouve des réflexions sur la théologie ridicule des païens, sur la contradiction de leurs dogmes, sur les actions infâmes des dieux, sur les mœurs corrompues des philosophes. Cet ouvrage est placé à la suite de ceux de saint Justin, dans l’édition des Bénédictins. Il y en a eu aussi une très-belle édition à Oxford en 1700, in-8o, avec des notes, et qui a été donnée par Worth, archidiacre de Worcester.

Tatien avait aussi composé une concorde, ou harmonie des quatre évangiles, intitulée Diatessaron, par les quatre ; cet ouvrage a été souvent nommé l’Évangile de Tatien ou des encratites, et il a encore eu d’autres noms ; il est mis au nombre des évangiles apocryphes. On n’accuse point l’auteur d’y avoir cité ou copié de faux évangiles ; aussi cet ouvrage fut goûté par les orthodoxes, aussi bien que par les hérétiques. Théodoret, qui en avait trouvé plus de deux cents exemplaires dans son diocèse, les enleva des mains des fidèles, et leur donna en échange les quatre évangiles, parce que l’auteur y avait supprimé tous les passages qui prouvent que le Fils de Dieu est né de David, selon la chair. On a été longtemps persuadé que cet ouvrage n’existait plus ; celui qui a été mis sous le nom de Tatien dans la bibliothèque des Pères a été fait par un auteur latin bien postérieur au second siècle ; mais le savant Assémani découvrit dans l’Orient une traduction arabe du Diatessaron, et la rapporta à Rome (Biblioth. Orient. tome I, à la fin.) On pourrait vérifier si ce livre est conforme à ce que les anciens ont dit de celui de Tatien.

Jusqu’à présent les plus habiles critiques avaient pensé que son Discours contre les païens avait été écrit vers l’an 168, et avant que l’auteur fût tombé dans l’hérésie ; ils n’y voyaient aucun vestige des erreurs des encratites ni des gnostiques, mais plutôt de la doctrine contraire. Le Clerc, qui l’a examiné avec beaucoup de soin (Hist. Ecclés., an 172, § 1, p. 735), l’éditeur d’Oxford qui en a pesé toutes les expressions, les Bénédictins qui en ont fait l’analyse, Bullus, Bossuet, le père le Nourry, etc., en ont ainsi jugé. Mais Brucker, dans son Hist. crit. de la Phil., tome III, p. 378, soutient que tous se sont trompés, que ce discours renferme déjà tout le venin de la philosophie orientale,