Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 2.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


JUGEMENT DES ÉCRITS DE SAINT JUSTIN ; CATALOGUE DES DIFFÉRENTES ÉDITIONS DE SES ŒUVRES.


Jugement des écrits de saint Justin.


Photius dit de saint Justin qu’il montre une science profonde de la philosophie chrétienne, mais encore plus de la philosophie profane, et une grande érudition.

On peut ajouter qu’il était très-instruit dans la loi et dans les prophètes, et qu’il avait à un degré éminent l’intelligence des divines écritures. Il ne savait point l’hébreu, ce qui est cause des fautes que l’on remarque lorsqu’il a voulu expliquer certains noms hébreux et en donner l’étymologie, comme on peut le voir dans ce qu’il dit du nom de Satan, qu’il interprète d’une manière toute différente de celle d’Origène. L’opinion qu’il a eue sur la nature des anges et des démons, qu’il regardait comme des substances très-subtiles, mais non absolument spirituelles et incorporelles, lui a été commune avec beaucoup d’auteurs célèbres des premiers siècles de l’Église ; et elle était en ce temps-là d’autant moins condamnable qu’elle était appuyée par le sens littéral de l’Écriture selon la version des Septante, à qui l’on rendait alors plus de respect et de déférence que nous n’en rendons maintenant au texte hébreu. D’ailleurs, on n’avait pas encore traité à fond ces matières comme on a fait depuis. On doit également l’excuser sur l’opinion des Millenaires, qui paraît aussi appuyée sur divers passages des prophètes, et surtout de l’Apocalypse de saint Jean, d’autant qu’il ne la soutenait point comme un dogme de foi. Les expressions difficiles dont il s’est quelquefois servi en parlant de la Trinité cessent de l’être quand on examine avec soin toute sa doctrine, et que l’on rapproche les passages qui font quelque difficulté de ceux qui sont plus clairs et qui établissent sans ambiguïté les vérités que l’Église a toujours maintenues sur ce mystère. On fait encore quelque difficulté sur ce qu’il dit de Socrate et de quelques autres sages d’entre les païens qui ont vécu avant la venue de Jésus-Christ ; car il est dit que, même avant la venue du Messie, il y a eu des Chrétiens, parce que Jésus-Christ est le Verbe de Dieu et la raison souveraine dont tout le genre humain participe, et que ceux qui, comme Socrate, ont vécu suivant la droite raison, sont Chrétiens : d’où quelques critiques protestants ont inféré que, selon la doctrine de saint Justin, il fallait convenir que les païens, avec le secours seul de la raison, pouvaient être sauvés. Mais cette conséquence ne suit