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ses d’une matière informe, il n’a pas prétendu insinuer que Dieu n’avait pas créé la matière avant de lui donner une forme ; il avait démontré le contraire.

Un autre déiste prétend que ce même Père a cité un faux évangile, et cela n’est pas vrai. Scultet, zélé protestant, lui fait un crime de ce qu’il a soutenu le libre arbitre de l’homme, comme si c’était là une erreur. (Medulla théol. PP. l. I, chap. xvii.)

Si des accusations aussi vagues, aussi téméraires et aussi injustes, ont suffi pour porter certains protestants à ne faire aucun cas des ouvrages de saint Justin, nous ne pouvons que les plaindre de leur prévention.

Mais les sociniens et leurs partisans, comme Le Clerc, Mosheim, etc., ont fait à ce Père un reproche beaucoup plus grave : ils prétendent qu’il a emprunté de Platon ce qu’il a dit du Verbe divin et des trois personnes de la Sainte Trinité, et qu’il a fait tous ses efforts pour accommoder les dogmes du Christianisme aux idées de ce philosophe. Brucker, en faisant profession de ne pas approuver cette accusation, l’a cependant confirmée, en attribuant à saint Justin un attachement excessif aux opinions de Platon. (Hist. crit. philos., tom. III, p. 337.)

Dom Marand, dans sa préface (2e partie, chap. i), a complètement réfuté cette imagination ; il a rapporté tous les passages de Platon dont nos critiques téméraires se sont prévalus ; il a fait voir que jamais ce philosophe n’a eu aucune idée d’un Verbe personnellement distingué de Dieu ; que par Verbe ou raison, on a entendu l’intelligence divine ; que par le Fils de Dieu, il a désigné le monde, et rien de plus ; que saint Justin, loin d’avoir donné dans les visions de Platon, les a souvent combattues.

Quant à ceux qui ont avoué que saint Justin n’était pas orthodoxe sur la divinité, la consubstantialité et l’éternité du Verbe, on peut consulter Bullus (Defensio fidei nicænæ), et Bossuet, sixième avertissement aux protestants, qui ont pleinement justifié ce saint martyr.

L’opiniâtreté avec laquelle les protestants ont voulu trouver des erreurs dans ses ouvrages nous paraît encore moins étonnante que les efforts qu’ils ont faits pour obscurcir ce qu’il a dit de l’Eucharistie (Apol. 1, n° 66). Après avoir exposé la manière dont se fait la consécration du pain et du vin dans les assemblées chrétiennes, il ajoute : « Cet aliment est appelé parmi nous Eucharistie…, et nous ne le recevons point comme un pain et une boisson ordinaire ; mais de même que Jésus-Christ, notre Sauveur, incarné par la parole de Dieu, a eu un corps et du sang pour notre salut, ainsi l’on nous enseigne que ces aliments, sur lesquels on a rendu grâce par la prière qui contient ses propres paroles, et par lesquels no-