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core exister des vieillards qui se ressouviennent d’avoir entendu, en 1780, l’un des plus éloquents et des plus vénérables prédicateurs du dernier siècle, le père Beauregard, ancien jésuite, prêchant contre les nouveaux philosophes, faire retentir tout à coup les voûtes de Notre-Dame de Paris de ces étonnantes paroles que l’événement a rendues prophétiques, très-probablement sans l’intention de celui qui les prononçait :

« La hache et le marteau sont dans leurs mains ; ils n’attendent que le moment favorable pour renverser le trône et l’autel. Oui, vos temples, Seigneur, seront dépouillés, détruits, vos fêtes abolies, votre nom blasphémé, votre culte proscrit. Mais qu’entends-je, grand Dieu ! que vois-je ? aux saints cantiques qui faisaient retentir ces voûtes sacrées en votre honneur succèdent des chants licencieux et impies. Et toi, divinité infâme du paganisme, impudique Vénus, tu viendras ici même prendre audacieusement la place du Dieu vivant, t’asseoir sur le trône du Saint des Saints, et y recevoir l’encens coupable de tes nouveaux adorateurs. »

Ces paroles s’accomplirent littéralement, treize ans après qu’elles avaient été proférées. La hache et le marteau philosophiques abattirent les croix dans toute l’étendue de la France et jusque dans les villages les plus isolés ; les Églises furent partout dépouillées et transformées en temples de la Raison. À Paris, une danseuse de l’Opéra fut portée en triomphe sur l’autel même qu’avait désigné le père Beauregard, et les adorateurs de la déesse Raison se prosternèrent, l’encensoir à la main, devant la courtisanne qui représentait la nouvelle déesse. Quel pouvoir fut donné aux disciples de Voltaire et de Diderot ! Mais, au bout de neuf ans, la déesse Raison était dans la boue et le culte divin partout rétabli.

Il leur fut donné aussi de porter la nouvelle philosophie aux peuples étrangers, les armes à la main. Ils s’emparèrent de Rome et prétendirent y ressusciter avec son sénat, ses consuls et ses tribuns, la république romaine morte depuis dix-huit cents ans. Ils mirent la main sur la personne auguste et sacrée du chef de l’Église et le conduisirent captif en France.