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plus hautes contemplations, mais dont le jugement n’est pas sain, ni la vie pure, et le cœur affranchi de toute passion, il s’y glisse par quelque endroit et les jette dans l’impiété.

LIX. C’est à nos maîtres, c’est-à-dire aux prophètes, que Platon a pris ce qu’il a dit sur la création du monde, que Dieu fit en donnant une forme à la matière. Pour vous en convaincre, daignez faire attention aux paroles dont se sert Moïse, le premier des prophètes, le plus ancien des écrivains. Par lui, l’Esprit saint nous a fait connaître de quelle manière et avec quels éléments Dieu fit le monde dans le principe : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre ; la terre était informe et n’apparaissait pas. Les ténèbres couvraient la face de l’abîme ; l’esprit de Dieu était porté sur les eaux, et Dieu dit : Que la lumière soit, et la lumière fut. »

Nous savons, et vous pouvez le savoir comme nous, que Platon et ses disciples enseignent que le monde fut créé comme nous l’apprend Moïse, c’est-à-dire par le Verbe de Dieu et avec les éléments dont il est ici question. L’idée de l’Érèbe, pour parler ici comme vos poëtes, est encore empruntée à Moïse.

LX. Mais remarquez ces paroles de Platon, dans son Timée, où il se livre à des recherches philologiques sur le fils de Dieu : « Dieu, dit-il, l’imprima sur le monde en forme de X. » Cette pensée ne vient-elle pas également de Moïse ? En effet, nous lisons dans ce dernier que les Israélites, pendant leur séjour dans le désert, après la sortie d’Égypte, furent mordus par des reptiles venimeux, tels que des vipères, des aspics, des serpents, dont la blessure était mortelle ; que Moïse, d’après l’ordre et l’inspiration de Dieu, fit représenter en airain et placer au-dessus du tabernacle la figure d’une croix, et dit au peuple : « Si vous regardez ce signe et si vous croyez, vous serez guéris ; » que, par la vertu de ce signe, les reptiles moururent, et que le peuple fut sauvé. Platon, qui avait lu cet endroit de Moïse, sans le comprendre, ne fit pas attention qu’il s’agissait de la figure d’une croix et non d’un X. C’est de là qu’il a dit que la seconde puissance après Dieu, c’est-à-dire celle du Fils, était imprimée sur le monde dans la forme dont nous venons