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sus-Christ sur la terre, ainsi que tout ce qu’il devait faire. Ce que je viens de vous dire vous servira comme de préparation à l’étude des oracles de nos saints prophètes. Si quelqu’un croit que c’est par les philosophes réputés les plus anciens que la connaissance du vrai Dieu lui a été transmise, qu’il écoute Am-

    le témoignage des sibylles ; Eusèbe, dans sa Préparation évangélique, où il montre beaucoup d’érudition, ne les cite que d’après Josèphe. Lorsqu’il rapporte quelques oracles favorables aux dogmes du Christianisme, il les emprunte toujours de Porphyre, ennemi déclaré de notre religion. La manière dont saint Augustin parle de ces sortes d’arguments montre assez ce qu’il en pensait. « Les témoignages, dit-il, que l’on prétend avoir été rendus à la vérité par la sibylle, par Orphée et par les autres sages du paganisme, que l’on prétend avoir parlé du fils de Dieu et de Dieu le père, peuvent avoir quelque force pour confondre l’orgueil des païens, mais ils n’en ont pas assez pour donner quelque autorité à ceux dont ils portent le nom. » Il finit en disant que ceux qui veulent raisonner juste doivent s’en tenir aux prophéties tirées des livres conservés par les Juifs, nos ennemis.

    La confiance avec laquelle quelques Pères ont cité les livres des sibylles ne prouve rien. Un argument ad hominem fait aux païens ne sera jamais regardé par les hommes sensés que comme une chose très-naturelle. Les païens se vantaient d’avoir des oracles pour le moins aussi respectables que les prophètes des Hébreux. Celse, Julien, citent nommément les oracles sibyllins. Ce recueil était connu partout. Les Pères, sans examiner si ce préjugé est vrai ou faux, font voir aux païens que ces oracles n’ont rien de défavorable au Christianisme : quoi de plus simple que cette conduite !

    On croit que ce sont les gnostiques hérétiques du premier et du deuxième siècles qui ont écrit le dernier recueil des livres sibyllins que nous avons encore. Mais, dans un temps où l’imprimerie n’existait pas, et par rapport à des oracles dont il existait trois recueils, il était bien difficile à saint Justin de repousser ceux que les païens eux-mêmes lui donnaient comme vrais.

    L’opinion générale a été que la quatrième églogue de Virgile adressée à Pollion avait quelques rapports avec les monuments de la poésie prophétique. Virgile n’a fait évidemment que mettre en beaux vers les oracles de la sibylle, et ces oracles n’étaient autre chose que les traditions venues de la Judée et recueillies chez les Romains, qui admettaient alors les opinions religieuses des autres peuples. Les prédictions d’Isaïe et des autres prophètes mises en vers par les Juifs hellénistes circulaient sous le nom d’oracles sibyllins. L’histoire, la situation de la république, les circonstances du