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qui ne sont pas, croyez à ce que vous a annoncé cette sibylle[1] si ancienne, si antique, dont les livres sont répandus partout. Dans les transports d’une inspiration extraordinaire, elle nous dit par ses oracles que ceux que vous appelez dieux n’existaient pas ; elle prédit clairement l’avénement de notre seigneur Jé-

  1. On appelle sibylles les prophétesses que l’on suppose avoir vécu dans le paganisme, et avoir cependant prédit la venue de Jésus-Christ et l’établissement du Christianisme ; leurs prétendus oracles composés en vers grecs sont appelés oracles sibyllins. Cette collection, dit Fréret, est divisée en huit livres, elle a été imprimée pour la première fois, en 1545, sur des manuscrits. Les ouvrages composés pour et contre l’authenticité de ces livres sont en très-grand nombre. Fabricius, dans le premier livre de sa Bibliothèque grecque, en a donné une espèce d’analyse à laquelle il a joint une notice assez détaillée des huit livres sibyllins. Après de longues discussions, il est demeuré certain que ces prétendus oracles sont supposés et qu’ils ont été forgés vers le milieu du deuxième siècle. Avant le Christianisme il y avait eu à Rome un recueil d’oracles sibyllins ou de prophéties concernant l’empire romain, mais les oracles sibyllins modernes sont une compilation informe écrite dans un sens opposé aux anciens, car ils sont remplis de déclamations contre le polythéisme que les premiers oracles cherchaient à fortifier.

    Les vers sibyllins cités par saint Justin ne se trouvent pas dans notre recueil moderne. Ils sont l’ouvrage d’un Juif platonicien et ne portent pas le caractère du Christianisme. Josèphe, dans ses Antiquités judaïques, ouvrage composé vers la treizième année de Domitien, l’an 93 de notre ère, cite des vers de la sibylle où elle parlait de la tour de Babel, de la confusion des langues à peu près comme dans la Genèse ; il faut donc qu’à cette époque ces vers aient déjà passé pour anciens, puisque l’historien juif les cite en confirmation du récit de Moïse.

    Au temps de Celse et d’Origène, l’authenticité de ces prédictions n’était mise en question ni par les païens, ni par les Chrétiens. Il n’est donc pas étonnant que saint Justin et, après lui, saint Théophile d’Antioche, Athénagore, Clément d’Alexandrie, Lactance, Sozomène, aient cité les oracles sibyllins aux païens. Plutarque, Celse, Pausanias, Philostrate, Porphyre, l’empereur Julien, croyaient à tous les monuments cités par les Pères. Le faux Orphée, le faux Musée, étaient cités par les païens, les Pères pouvaient donc en faire usage.

    Origène, Tertullien, saint Cyprien, Minutius Félix, n’ont point allégué