seule armée contre l’ancienne Église. La preuve qu’il ne reçut pas tout le développement dont il était susceptible, c’est qu’il tendait à tout détruire et que pourtant les protestants s’arrêtèrent dans la carrière d’innovation qu’ils avaient embrassée. Ils gardèrent encore des vestiges de Christianisme, des croyances, des cérémonies et des pratiques catholiques ; et en cela ils furent inconséquents. Pourquoi le furent-ils ? Était-ce modération ou timidité de leur part ? Non certes, car pour se substituer à l’ancienne religion, ils remplirent le monde de calomnies et de guerres ; mais ils n’étaient pas encore assez avancés pour appercevoir les dernières conséquences de leur principe, ni même assez corrompus pour ne pas reculer devant elles s’ils les eussent apperçues.
C’est à la philosophie moderne née du protestantisme qu’il a été réservé de ne reculer devant rien. Nous disons que la philosophie moderne est née du protestantisme, et cela est d’une vérité incontestable ; car c’est le principe protestant qui a fait les déistes, les sceptiques, les matérialistes et les athées. Voici quelle a été la progression de ce principe.
Luther avait dit : Il faut interpréter l’Écriture dans un sens que conçoive la raison et qui la satisfasse, parce qu’il est de la dignité de l’être raisonnable de n’écouter que la raison et de ne se rendre qu’à l’évidence. Or, la raison ne conçoit nullement qu’il n’y ait plus ni pain, ni vin après la consécration : elle conçoit tout le contraire. Les yeux, le tact, l’odorat, le goût, ces quatre sens ne se réunissent-ils pas pour lui attester que le même pain et le même vin continuent d’être ce qu’ils étaient auparavant ? Donc les paroles de Jésus-Christ : Ceci est mon corps, ceci est mon sang, ne signifient pas que le pain et le vin soient substantiellement changés en son corps et en son sang, mais que le pain et le vin existent conjointement avec le corps et le sang. Donc il n’y a point transsubstantiation, mais impanation.
Très-bien, répondit Calvin, mais la raison ne conçoit pas non plus que Jésus-Christ soit présent en corps, en âme et en divinité dans l’Eucharistie ; elle ne conçoit pas que le même