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« L’Océan, origine de tout ce qui existe. » (Iliad., 256.)

Thalès ne serait-il pas en droit de dire à Aristote : « Pourquoi, lorsque vous voulez renverser le système de Platon, vous étayez-vous de l’autorité d’Homère, et pourquoi ensuite, lorsque vous établissez un système contraire au mien, refusez-vous d’admettre le témoignage de ce même Homère ? »

VI. Vous allez voir que, même dans les autres matières, vos admirables philosophes ne sont pas plus d’accord entre eux. Platon n’admet que trois principes généraux : Dieu, la matière et la forme : Dieu, créateur de tout ce qui existe ; la matière, qui servit à la primitive formation des êtres et qui fournit à Dieu les matériaux de la création ; la forme, qui fut le type de tous les objets créés. Aristote, au contraire, ne parle nullement de la forme comme principe ; il n’en reconnaît donc que deux qu’il nomme Dieu et la matière. Platon nous apprend qu’au haut du ciel, dans une sphère qu’il fait immobile, habite un premier Dieu, au-dessous duquel se grouppent les idées. Aristote, après ce Dieu suprême, place, non pas les idées, mais quelques autres dieux chargés de certaines attributions. On voit donc qu’ils diffèrent totalement d’opinion sur les choses célestes. Mais nous devons facilement comprendre que ceux qui ne savent même pas ce qui se passe sur notre terre, et qui ne peuvent s’accorder entre eux, sont peu propres à venir nous enseigner ce qui se passe dans le ciel. Il nous sera tout aussi facile de nous convaincre qu’ils diffèrent également d’opinion, au sujet de l’âme humaine. Platon la compose de trois parties distinctes : une de raison, une autre de colère et la troisième de désirs. Aristote, au contraire, enseigne que l’âme n’est pas assez étendue pour recevoir des parties corruptibles, et qu’elle ne peut comprendre que des substances rationnelles. Platon nous crie que toute âme est immortelle. Aristote, qui la dit un acte complet, décide qu’elle n’est pas immortelle, mais sujette à la mort. L’un nous dit qu’elle se meut continuellement ; l’autre, qui la fait cause de tout mouvement, la suppose immobile.

VII. On voit donc que ces deux philosophes ne sont nullement d’accord entre eux. Mais il y a plus : si l’on prend la