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cipe souverain de toutes choses. Aristote, de son côté, dans l’ouvrage où il rend compte à Alexandre d’une manière succincte de son système de philosophie, renverse celui de Platon et ne veut pas reconnaître que l’essence divine réside dans le feu ; mais il imagine un cinquième élément éthéré et inaltérable, dans lequel il place le principe divin. Voici ses propres paroles : « Je n’imite pas ces philosophes qui, s’égarant à la recherche des choses divines, placent Dieu dans la substance du feu. » Ensuite, comme s’il ne se contentait pas de cet anathème contre Platon, il invoque le témoignage d’Homère, ce poëte que Platon exclut de sa république en lui donnant les noms de menteur et d’imitateur de la vérité, au troisième degré. Aristote invoque donc l’autorité d’Homère pour donner plus de poids à ce qu’il dit sur les corps éthérés ; voici ce qu’Homère a dit à ce sujet :

« Le sort donne en partage à Jupiter le ciel qui s’étend dans l’air et les nuages. » (Iliad. LXX, 192.)

Par le témoignage d’Homère, il s’efforce de donner du poids à son opinion ; mais il ne voit pas qu’en se servant des paroles du poëte pour démontrer qu’il a trouvé la vérité, on pourra se servir de la même autorité pour lui prouver qu’il s’est trompé. En effet, Thalès de Milet, qui fut le père de cette philosophie, va renverser, par le témoignage de ce même Homère, les assertions d’Aristote sur le principe des choses. Aristote veut que Dieu et la matière soient le principe de toutes choses ; Thalès, le plus ancien parmi ces philosophes, regarde au contraire l’eau comme étant ce principe même : il dit que tout commence par l’eau et se résout en eau. Il établit ce système sur une double induction : la première, c’est que la semence ou le principe générateur de tous les animaux est humide ; la seconde, c’est que toutes les plantes se nourrissent d’humidité, prospèrent à l’aide de l’humide, c’est-à-dire portent des fleurs et des fruits, et qu’elles sèchent, au contraire, si elles sont privées de cet élément. Puis, comme si ces inductions ne lui suffisaient pas, Thalès a recours au témoignage d’Homère, comme propre à confirmer son système, et il cite ce vers :