Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 1.djvu/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ÉPÎTRE AUX ROMAINS.

Cette épître, la plus remarquable de toutes, fut aussi écrite de Smyrne. Saint Ignace avait appris que les fidèles de Rome voulaient gagner le peuple, et, par argent ou par sollicitations, empêcher qu’il ne fût exposé aux bêtes féroces. Il les conjure de n’en rien faire ; il demande avec instance qu’il lui soit permis de mourir, comme un autre demanderait qu’il lui soit permis de vivre. Enfin il ne veut pas qu’on mette obstacle à son bonheur : c’est ainsi qu’il appelle sa mort.

Les raisons qu’il emploie sont si vives, si pressantes, si fort au-dessus de la nature, qu’on ne peut lire cette épître sans attendrissement, sans je ne sais quel transport d’admiration qui nous élève au-dessus de nous-mêmes.

Rien n’est comparable, dans aucune langue, à cette épître ; elle seule persuaderait le Christianisme : c’est bien mieux que de l’éloquence, c’est du ravissement, c’est de l’extase, c’est le sublime transport de saint Paul s’écriant qu’il n’a qu’un désir, celui de mourir et d’être avec Jésus-Christ. Presque tous les Pères ont répété ces paroles si énergiques par lesquelles le saint demande à « être broyé sous la dent des bêtes comme froment de Dieu, pour devenu le pain de Jésus-Christ. »

Les éloges qui commencent cette épître annoncent qu’il reconnaissait la supériorité de l’Église romaine, et qu’il savait bien qu’il parlait à la maîtresse de toutes les autres ; ce début est singulièrement remarquable.


Ignace, surnommé Théophore, à cette Église riche des miséricordes reçues de la magnificence du Très-Haut et de son fils unique ; à cette Église chérie, éclatante de lumière : d’après la volonté de celui qui veut tout ce qui est conforme à la charité de Jésus-Christ, notre Dieu ; à cette Église qui commande à toutes les autres dans la capitale de l’empire romain, Église si digne de Dieu, si belle ! appelée heureuse à si juste titre, dont l’ordre est si admirable, les vertus si pures, la charité si parfaite ! dépositaire de la loi de Jésus-Christ, ornée du nom d’Église du Père : salut en Jésus-Christ, fils de Dieu le père, à