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Du Christianisme dans le second siècle[1].


Les fidèles eurent un autre genre de persécution à essuyer de la part des philosophes. Celse, épicurien, composa un ouvrage contre le Christianisme, pour réunir toutes les objections que l’on pourrait former contre notre religion ; il la fait d’abord attaquer par un Juif ; il la combat ensuite, de même que le judaïsme, sous son propre nom. Il avait l’Ancien et le Nouveau-Testament, les livres des autres Chrétiens, pour y puiser des armes contre nous. Calomnies, injures, railleries, raisonnements, érudition, il n’oublie rien de ce qu’il croit propre à lui assurer la victoire sur l’Église. Il s’attache ensuite à ôter à l’idolâtrie ce ridicule frappant qu’elle a dans les ouvrages des poëtes et des anciens historiens : ridicule si propre à la décréditer auprès de tous ceux qui font quelque usage de la raison.

On peut connaître par ce livre de Celse quel était alors l’état de l’Église. Il dit que les Chrétiens étaient en grand nombre ; qu’ils opéraient encore des choses extraordinaires ; qu’ils faisaient parade de prodiges ; qu’ils tenaient leurs assemblées en cachette, pour éviter les peines décernées contre eux ; que lorsqu’ils étaient pris, on les conduisait au supplice ; qu’avant que de les faire mourir, on leur faisait éprouver tous les genres de tourments.

L’empereur Antonin, le successeur d’Adrien, ou par un sentiment naturel de clémence, ou touché de l’innocence des mœurs des Chrétiens, suspendit la persécution. Dans cette vue, il adressa, la quinzième année de son empire, aux états d’Asie, la constitution suivante :

« L’empereur César, Marc-Aurèle, Antonin, Auguste, Arménien, grand pontife, quinze fois tribun, trois fois consul, aux états d’Asie, salut ! Je sais que les dieux ont soin que ces hommes (les Chrétiens) ne demeurent pas inconnus ; car il leur appartient, plutôt qu’à vous, de châtier ceux qui refusent de les adorer. Plus vous faites de bruit contre eux et plus vous les accusez d’impiété, plus vous les confirmez dans leurs sentiments et dans leur résolution. Ils aiment mieux être déférés et condamnés à la mort pour le nom de leur Dieu, que de vivre ; ainsi ils remportent la victoire en renonçant à la vie, plutôt que de faire ce que vous désirez. Il est aussi à propos de vous donner des avis par rapport aux tremblements de terre présents ou passés. Comparez la conduite que vous tenez en ces occasions avec celle que tiennent les Chrétiens. Au lieu qu’alors ils mettent plus que jamais leur confiance en Dieu, vous perdez courage ; aussi il semble que, hors ces calamités publiques, vous ne connaissiez pas seulement les dieux ; vous négligez toutes les choses

  1. Voir Bullet.