Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 1.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans blesser notre conscience ; mais pour ces furieux, ils ne sont pas capables de m’entendre. »

Le proconsul dit : « Je t’exposerai aux bêtes, si tu ne changes. » Saint Polycarpe répond : « Faites-les venir ; car je ne puis changer du bien au mal ; mais il m’est avantageux de passer des souffrances à la parfaite félicité. — Si tu méprises les bêtes, dit le proconsul, et si tu n’obéis, je te ferai consumer par le feu. — Vous me menacez, répond saint Polycarpe, d’un feu qui ne brûle que pendant quelque temps ; mais vous ne connaissez point le feu éternel qui est réservé aux impies. Au reste, pourquoi différez-vous ? faites ce qu’il vous plaira. » Il dit ces paroles et plusieurs autres avec un visage plein de joie, en sorte que le proconsul en était surpris. Il envoya néanmoins son crieur dire trois fois au milieu de l’amphithéâtre : « Polycarpe a confessé qu’il était Chrétien. » Alors les païens et les Juifs qui étaient à Smyrne demandent qu’on l’expose aux bêtes. » C’est, s’écrient-ils, le docteur de l’Asie, le père des Chrétiens, l’ennemi de nos dieux. C’est lui qui apprend à tant d’autres à ne pas sacrifier aux dieux et à ne les pas adorer. » Comme les jeux étaient finis, et qu’on ne pouvait plus exposer aux bêtes le saint martyr, on crie qu’il le faut brûler vif. Le juge prononce aussitôt la sentence, qui est promptement exécutée. Tout le peuple court en foule prendre du bois dans les boutiques et dans les bains. Les Juifs, selon leur coutume, s’emploient avec plus d’ardeur que les autres pour construire le bûcher. Tout étant prêt, saint Polycarpe ôte sa ceinture, se dépouille de tous ses habits, et monte sur le bûcher comme sur un autel pour y être offert à Dieu et consumé comme un holocauste d’agréable odeur. On voulait l’y attacher ; mais il dit : « Laissez-moi ainsi, celui qui me donne la force de souffrir le feu me fera demeurer ferme sur le bûcher, sans qu’il soit besoin de vos clous. » On se contente donc de lui lier les mains derrière le dos. Alors regardant le ciel, il dit : « Seigneur, Dieu tout-puissant, père de Jésus-Christ, votre fils béni et bien-aimé, par qui nous avons reçu la grâce de vous connaître, Dieu des anges et des puis-